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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 janvier 1873.

C’est le destin de la France de connaître toutes les extrémités de la défaite aussi bien que toutes les extrémités de la grandeur et de la gloire, et si elle s’est laissé quelquefois enivrer par le succès, en revanche elle s’est toujours montrée jusqu’ici supérieure à son malheur. Elle s’est tirée d’affaire par la vigoureuse souplesse de son génie, elle s’en tirera encore, c’est l’invincible confiance de ceux qui l’aiment, qui ne consentiront jamais à désespérer de sa fortune. Il faut en convenir cependant, la crise où elle est engagée aujourd’hui dépasse toutes celles qu’elle a déjà traversées ; elle a une gravité et des caractères particuliers, elle se complique d’obscurités et d’incertitudes qui, en se prolongeant obstinément depuis deux années, finiront par devenir une oppression et un péril.

Que dans cette situation extraordinaire où vit la France il y ait la part des fatalités inévitables qui sont la suite d’une guerre néfaste, oui sans doute ; ces fatalités, elles sont là toujours présentes sous la forme d’une occupation étrangère qu’il faut désintéresser pour l’éloigner, pour retrouver l’indépendance de nos provinces demeurées en gage de la plus, cruelle rançon ; mais ce n’est pas tout, et quoique l’unique pensée dût être pour ce premier des biens, l’indépendance à reconquérir, on pourrait presque dire aujourd’hui que ce n’est pas la plus sérieuse, la plus invincible des difficultés. Les moyens existent en effet ; l’emprunt a créé l’instrument de la délivrance. Le gouvernement, au milieu des diversions d’une vie laborieuse et agitée, s’occupe comme il le doit de cet intérêt souverain. Il vient de remettre entre les mains de l’Allemagne le premier à-compte du quatrième milliard. Les paiemens vont se succéder maintenant, et avec les garanties financières qui pourront être offertes, avant que l’année soit révolue, peut-être la libération définitive de la France sera-t-elle enfin accomplie. La difficulté n’est donc plus là, si on le