Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 103.djvu/657

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Étrusques de la station voisine de Fiesole. Ces tours, de forme carrée ou rectangulaire, ont seulement quelques mètres de côté, sept ou huit au plus. Elles sont munies d’une porte dans le bas, le plus souvent d’une seule fenêtre à chaque étage. Beaucoup ont en apparence disparu, transformées, badigeonnées ou enchevêtrées dans des constructions d’âge plus récent. Quelques-unes sont encore intactes, pour ainsi dire isolées. Telle est la fameuse tour des Girolami, dans la rue Por-Santa-Maria, ainsi nommée parce que la porte Sainte-Marie, qui faisait partie, de la première enceinte de Florence, s’ouvrait sur cette rue. Non loin de la tour des Girolami est celle dite des Buondelmonti. On y pénètre par une maison voisine ; on y monte par un escalier en bois vermoulu. De distance en distance s’ouvre une étroite fenêtre. Aux angles débouche parfois un soupirail par lequel on a jour sur l’extérieur. Cette ouverture était sans doute ménagée non-seulement pour donner passage à la lumière, mais encore pour surveiller l’ennemi, lancer des flèches. Un gamin qui me montrait cette tour me fit l’histoire des premiers possesseurs. « C’est de là que partit Buondelmonte, dit-il, quand il fut assassiné par les Amidei à l’entrée du Pont-Vieux, là où était la statue de Mars, protecteur de Florence. Ainsi commencèrent les luttes des guelfes et des gibelins. » Le jeune cicérone avait bien retenu sa première leçon d’histoire florentine[1]

Toutes ces tours étaient crénelées. A la forme des créneaux, on pouvait désigner le parti auquel appartenait la famille maîtresse d’une tour. Les créneaux rectangulaires, pleins, étaient, guelfes ; les créneaux taillés en pointe aux extrémités, évidés sur le milieu, étaient gibelins. Quand un décret des podestats, força les habitans à décapiter leurs tours, c’est-à-dire à en diminuer la hauteur, ces signes disparurent, mais les guelfes et les gibelins, continuèrent à se distinguer entre eux à la façon de saluer, de se vêtir. Quelquefois les membres d’une même famille étaient de partis opposés, et cela, se vit surtout quand à la faction des guelfes et des gibelins succéda celle des blancs et des noirs, ou des Cerchi et des Donati.

Les tours marquaient, au milieu des luttes civiles, le lieu de rassemblement des habitans d’un même palais, d’une même rue. Elles sont encore plus massives que les palais qui leur ont succédé, et l’âge, au lieu de les entamer, n’a fait que les consolider davantage.

  1. Dans une des tours voisines de celle de Buondelmonti a été retrouvé, il y a, quelques années, un véritable agenda de poche, oublié dans une cachette. Les feuilles de ce carnet sont en bois, recouvertes d’une couche de cire ; le marchand y notait ses affaires de chaque jour. Quelques feuilles ayant disparu, le nom du possesseur et le millésime ne peuvent être indiqués, on peut fixer, comme date approximatives l’an 1300.