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de l’énorme quantité de roches et de scories qui le recouvraient. Quelquefois l’abondance des pierres est telle qu’on est obligé, en plusieurs endroits, d’en faire des amas, des espèces de pyramides que les lichens revêtent de croûtes et de saillies grisâtres. A mesure qu’on s’éloigne de la côte, les murs qui bordent la voie s’abaissent, la culture s’efface, les derniers champs de maïs et d’ignames (colocusia antiquorum) se montrent clair-semés au milieu des rochers, et ne fournissent que de chétives récoltes. En revanche, la végétation sauvage prend le dessus ; les myrsinées, les vacciniums, les bruyères, le faya, s’élèvent en touffes épaisses. C’est là qu’on rencontre la belle ronce (rubus Hoclistetterorum) spéciale à cette région de Pico et à la zone d’altitude correspondante de File de San-Jorge. Cette belle plante se distingue de la ronce commune par la largeur et le luisant de son feuillage, par le diamètre de ses fleurs, nuancées diversement de rose et de blanc suivant leur degré d’épanouissement. Jamais on ne l’observe au voisinage des habitations, elle semble fuir devant les envahissemens de la colonisation ; c’est évidemment une espèce indigène. La ronce commune pousse au contraire partout où l’homme a pénétré : on la trouve surtout aux. abords des sentiers et des chemins fréquentés ; elle s’avance avec le progrès des défrichemens, et manque encore en beaucoup de points où la végétation açorienne a le mieux conservé son caractère primitif ; tout porte donc à penser qu’elle est d’origine exotique.

A une altitude d’environ 700 mètres, la pente du terrain devient plus prononcée et les bosquets font place aux pâturages. La route tracée se termine à cette hauteur, et le reste de l’excursion se fait nécessairement à pied. Cependant près de la s’élève encore une petite hutte qui sert d’abri pendant la nuit aux pâtres du voisinage. Ordinairement ceux qui font l’ascension du pic se rendent le soir jusqu’à ce gîte, y passent la nuit et en repartent le matin, à la pointe du jour. Au moment où j’y arrivai, l’aube commençait à blanchir l’horizon, et les bouviers, debout sur le seuil de la cabane, se disposaient à partir pour aller traire les vaches et les brebis dans les parties plus élevées du versant. Les pâturages s’étendent jusqu’à une altitude de 1,500 mètres. L’amas de nuages qui s’amoncelle presque constamment autour de la partie moyenne du mont a désagrégé dans cette zone la portion superficielle des roches volcaniques et formé un sol argileux très favorable au développement de la végétation herbacée. L’humidité perpétuelle qui règne à ce niveau y entretient la fraîcheur des plantes. Des tolpis à feuillage profondément dentelé et à fleurs dorées, des microderis à feuilles larges et soyeuses, la marguerite des Açores (sewbertia azorica),