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Bientôt arrivèrent une multitude de proscrits ou d’hommes fuyant le régime qui pesait sur la mère-patrie. De nombreux volontaires affluèrent en outre de France et d’Angleterre, attirés par le désir de soutenir la cause libérale. Au bout de quelques mois, lorsque la flotte de dom Miguel, armée de nombreux canons, portant 3,000 hommes de débarquement, vint tenter une descente à l’extrémité nord-est de l’île, elle trouva 150 de ces hommes intrépides retranchés dans trois petites redoutes à demi ruinées, garnies seulement de sept mauvaises pièces d’artillerie qui défendaient la rade de Praya. L’une des redoutes fut enlevée, les deux autres tinrent bon, et les assaillans, accablés par le feu meurtrier que dirigeaient sur eux les libéraux embusqués derrière les roches et les buissons des collines voisines, durent se rembarquer après avoir perdu beaucoup de monde. Tel fut le premier acte sanglant de la lutte qui devait aboutir, après bien des péripéties, à la chute du parti absolutiste en Portugal.

Le mont Brazil, malgré le volume considérable des fragmens qui en ont été détachés par la mer, possède encore sa forme conique primitive ; la position qu’il occupe dans le voisinage immédiat de la côte semble avoir ralenti l’action destructive des flots. A quelques kilomètres plus loin vers l’est, les deux îlots de Cabras, situés en face du rivage méridional de l’île de Terceire, représentent l’état de démolition bien plus avancé d’un amas volcanique de composition analogue. Ces îlots sont éloignés de la côte de quelques centaines de mètres; le plus considérable s’élève à 160 mètres environ au-dessus du niveau de la mer. Au premier abord, on n’y voit que des massifs de tuf entièrement irréguliers, dont les vagues désagrègent et enlèvent capricieusement chaque jour quelques parcelles; cependant, si on les examine avec plus d’attention, on reconnaît que non-seulement ils sont composés l’un et l’autre des mêmes élémens, mais que les mêmes couches de tuf s’y retrouvent à la même hauteur, stratifiées en lits minces et disposées comme dans les massifs volcaniques de formation moderne. On peut encore distinguer la partie du cône que représente chaque îlot et déterminer l’emplacement du centre du cratère dont ils sont les derniers restes. Les assises de tuf qui les composent, inclinées de toutes parts vers ce point central, se relèvent tout alentour jusqu’aux points où s’élevait primitivement la crête circulaire de l’enceinte, et s’abaissent ensuite vers l’extérieur à partir de cette limite.

Malgré l’état avancé de destruction de cet appareil volcanique, on peut affirmer que, dans l’origine de sa production, le rebord circulaire du cratère présentait en deux points opposés des dépressions marquées; la mer n’a fait qu’agrandir ces échancrures de manière à séparer en définitive le cône en deux moitiés dont l’iné-