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plus souvent en avant une large visière très saillante, terminée de chaque côté par une pointe recourbée en haut. Cette capuche met le visage et le cou à l’abri des rayons du soleil, et garantit très bien de la pluie la tête et toute la partie supérieure du dos. Il est impossible d’imaginer une coiffure mieux adaptée aux conditions climatériques des Açores.

L’habitude de marcher nu-pieds, contre laquelle les hygiénistes s’élèvent avec raison quand il s’agit des contrées froides et humides de l’Europe tempérée, n’offre véritablement ici aucun inconvénient grave. Le terrain est tellement accidenté et constitué si généralement de détritus volcaniques poreux, que l’eau des pluies s’écoule à la surface des laves ou s’enfonce presque immédiatement dans le sol. Les flaques d’eau stagnantes sont tout à fait exceptionnelles; les chemins ne sont jamais boueux. Cependant rien de tout cela n’explique et surtout n’excuse le peu de soin que l’on apporte à l’hygiène des enfans. Dans la plupart des villages, garçons et filles ne portent, jusqu’à l’âge de six à sept ans, pour tout vêtement qu’une chemise plus ou moins en lambeaux, beaucoup même sont entièrement nus. Les insolations en font périr un grand nombre. En voyant le soin extrême avec lequel les adultes des deux sexes cherchent à se préserver de l’humidité et du rayonnement direct du soleil, on a véritablement peine à comprendre l’incurie dont sont victimes les enfans en bas âge.

Pendant les mois pluvieux que j’ai passés à Terceire, je suis resté aussi peu que possible dans la ville; pourtant, lorsque de gros nuages gris se maintenaient entassés autour des sommets, il était impossible de diriger des excursions fructueuses du côté des hauteurs. Une brume épaisse y dérobait aux regards les objets les plus rapprochés, une pluie fine et pénétrante imbibait très vite tous les vêtemens, et dès que l’on quittait les sentiers à demi tracés au milieu de ces solitudes, on était exposé à de grands dangers, tenant à la constitution des parties superficielles du sol et à la nature spéciale de la végétation qui les recouvre. Les éruptions volcaniques ont répandu dans cette région, à la surface du terrain, un lit de ponces incohérentes à demi décomposées aujourd’hui par l’action de l’humidité; une couche de sphagnum, qui parfois atteint plus d’un mètre d’épaisseur, s’étend au-dessus comme un énorme tissu feutré toujours imprégné d’eau. Rien n’est pénible comme de marcher à l’aventure au milieu de cette végétation spongieuse, dans laquelle on enfonce à chaque instant jusqu’à la ceinture; mais ce qui y rend la marche périlleuse, c’est que cette mousse tourbeuse cache souvent des ravinemens profonds creusés par l’eau dans la ponce sous-jacente. Il faut avec un bâton sonder le terrain à chaque pas, sans quoi l’on courrait risque de tomber subitement dans quel-