Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 103.djvu/58

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tombant l’avertit, sans qu’il ait besoin de tourner la tête, que l’examen est terminé. L’usage des fenêtres et des balcons grillés est probablement une coutume importée du Portugal, un reste de la domination mauresque qui s’est conservé parce qu’il était conforme aux exigences du climat.

C’est sans doute à la même origine qu’il faut faire remonter certaines particularités du costume et du genre de vie des femmes de la ville. Reléguées et comme cloîtrées dans la maison, elles en sont réduites à recevoir à domicile la visite des marchands ou à faire exécuter leurs achats au dehors par l’intermédiaire de domestiques mâles. Elles ne franchissent guère le seuil du logis que pour se rendre à l’église, et alors elles s’enveloppent de la tête aux pieds d’un ample manteau de drap noir que surmonte un immense capuchon soutenu par un fanon de baleine. Ordinairement elles sortent plusieurs ensemble et se glissent silencieusement à la file, les bords du capuchon serrés de manière à conserver tout juste l’ouverture nécessaire à la vision. Les plus prudes s’arrêtent aussitôt qu’un passant du sexe masculin s’avance à leur rencontre sur le même trottoir, et se tiennent immobiles, la face tournée contre la muraille voisine, jusqu’à ce qu’on les ait dépassées. Ces usages singuliers ont une tendance à disparaître; mais à Terceire, où les influences anglaise et américaine pénètrent peu, et où les vieilles traditions portugaises sont encore toutes-puissantes, les changemens de mœurs et d’habitudes se font beaucoup moins sentir que dans les autres îles de l’archipel.

Le manteau de drap est un vêtement cher, que n’ont pu naturellement adopter à aucune époque les femmes de la campagne. A Terceire, elles sont, pendant la semaine, vêtues d’un corsage et d’un jupon de laine. Sur la tête, elles portent un fichu qui s’attache au-dessous du menton, et par-dessus, un chapeau rond en feutre noir. Le jupon est court et de couleur jaune ou grise; il est garni au bas de deux ou trois larges bandes de couleur brillante. Les jours de fête, elles endossent en plus une longue jupe en mousseline claire, bordée d’un double rang de falbalas. L’étoffe et la forme du vêtement surajouté sont évidemment d’importation anglaise. Il en est de même de tartans aux couleurs éclatantes dont elles se couvrent parfois les épaules. Les élégantes seules ne marchent pas nu-pieds; leurs chaussures sont des espèces de sandales plates retenues par des lanières de cuir. Celles qui les portent en paraissent très fières, et les font résonner sur les cailloux du chemin.

La seule partie remarquable du costume des hommes est la capuche (carapuça) dont ils se couvrent la tête. C’est une sorte de casquette en drap foncé qui se continue en arrière avec un épais collet de même étoffe retombant sur les épaules, et que prolonge le