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ce qu’on lui fait faire, trois ou quatre cents ans, a été comme une nuit obscure qui a couvert l’Iran jusqu’au moment où le soleil de la race royale vint la dissiper. Aussi toutes les dynasties turques ont-elles voulu se rattacher au terrible Afrasiab ; Seldjouk, le fondateur des Seldjoucides, prétendait en descendre en ligne droite, et les monarques ottomans, qui se rattachent à cette famille, se vantent d’avoir plus d’une fois continué en Perse l’œuvre de leur célèbre ancêtre.

On a depuis en Perse donné le nom de Tourân à toute la contrée située au nord de l’empire, à la steppe profonde qui renferme les plus grands lacs du monde, la mer Caspienne et le lac d’Aral, à la région qu’arrosent le cours inférieur de l’Oxus et l’Iaxartes, et aux contrées montagneuses de l’est. Cette arène, où s’agitaient les nomades farouches du septentrion, était considérée comme le pays des ténèbres, le pays d’Ahriman, tandis que le plateau de l’Iran était le pays de la lumière, où Ormuzd, le bon principe, régnait au milieu des Aryens. Après la conquête mongole, ce pays prit le nom d’un fils de Djinghis ; depuis, on appela Turkestan ou pays des Turcs le vaste territoire qui s’étend entre l’empire chinois et la mer Caspienne. La confusion qui existait entre les peuples de famille turque et ceux qu’on appelait Tartares, alors qu’on appliquait cette expression fort inexacte à un mélange de nations turques et de nations mongoles, lui a fait aussi donner le nom de Tartarie indépendante, nom qui prend un sens de plus en plus ironique à mesure que la Russie étend son empire sur ces contrées guerrières.

L’Oxus et l’Iaxartes semblent deux Nils frères, aux cours parallèles, qui donnent à une partie du pays une physionomie fort différente de celle des plaines, livrées à une perpétuelle aridité. Les légumes abondans, les fruits exquis, le riz, le sorgho à sucre, le cotonnier, le mûrier, récompensent amplement le travail des populations sédentaires qui ont, à l’époque de la splendeur du pays, donné une si grande célébrité à Samarkand, à Bokhara et à Khiva. Malheureusement le climat est un grand obstacle au développement régulier de l’activité humaine. Le savant qui a dit que l’homme devait se résigner à être tantôt gelé et tantôt grillé semble avoir songé à ces contrées de l’Asie où une chaleur dévorante succède au plus rigoureux hiver. En effet la Sibérie, les steppes du Turkestan, les versans septentrionaux du vaste plateau de l’Asie centrale, aboutissent aux rivages, ouverts aux âpres vents du nord, d’une immense mer de glace, tandis que des chaînes énormes de montagnes couvertes de neiges éternelles ne permettent pas aux souffles tièdes du sud d’y tempérer la rigueur de la mauvaise saison. Ces