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mérité chaque jour en moyenne que six points, n’auraient droit à aucune réduction de peine, que ceux au contraire qui auraient obtenu tous les jours le maximum auraient droit à une réduction d’un quart. Entre ces extrêmes, il y a place pour une série de réductions proportionnelles. Dans ce système, le condamné sait que chacun des jours de sa captivité bien ou mal employé a une influence directe et précise sur sa propre destinée. En tableau placé dans sa cellule lui indique jour par jour le total des points qu’il possède à l’actif de son compte, lui permet de mesurer le chemin déjà parcouru et de préciser le moment de sa libération. Sur 1,631 condamnés qui ont été libérés en 1871, il n’y en a eu que 128 qui n’aient mérité aucune réduction de peine. Ce système a le grand avantage d’éviter tout arbitraire, toute inégalité, toute injustice. On comprend que les Anglais, après en avoir fait l’expérience, le préfèrent aux règlemens en vigueur sur le continent, règlemens qui font dépendre la grâce du condamné des appréciations les plus diverses et qui ne ferment la porte ni aux sollicitations, ni aux faveurs, ni aux inégalités. C’est d’ailleurs un trait remarquable du régime anglais que tous les condamnés sont soumis rigoureusement au même traitement, quelles que soient la nature de leur crime, leur éducation, leur situation antérieure. Les classes établies entre les prisonniers ne sont que des étapes successives que tous sont admis à franchir. Pour passer de la troisième classe à la seconde, puis à la première, il faut avoir obtenu un certain nombre de points ; au-dessus de la première classe, il y a en outre une classe spéciale pour les condamnés dont la conduite a été exceptionnelle. Chaque classe jouit de quelques privilèges, ainsi les prisonniers de la troisième ne peuvent écrire une lettre à leur famille ou recevoir une visite que tous les six mois, ceux de la seconde classe tous les quatre mois, et enfin ceux de la première tous les trois mois. Les infractions à la discipline et le refus de travail sont punis très sévèrement : le cachot obscur, avec privation d’une partie de la ration d’alimens, est la punition ordinaire ; dans les cas graves, on a recours au fouet. L’usage de ce dernier châtiment soulève en Angleterre même de vives protestations ; mais les directeurs des prisons insistent pour qu’il soit maintenu ; en 1870, il a été appliqué à 117 condamnés.

Il reste à dire quelques mots du régime intérieur de la prison. À Chatham, les bâtimens où couchent les condamnés sont à très peu de distance des chantiers ; l’aspect de ces bâtimens, construits depuis douze ans à peine, est moins triste que celui de la plupart de nos maisons centrales. Chaque classe de prisonniers occupe un quartier distinct, et chaque condamné a une cellule où il prend ses repas et couche la nuit dans un hamac. Ces cellules, séparées par