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suivantes à 2,210 et à 3,088. A partir de 1850, on avait pu constater dans les statistiques criminelles une décroissance très rapide. Ainsi en 1851 on comptait encore 1,995 condamnations, en 1852 seulement 1,433, puis 987, puis 714. En faisant honneur à la réforme opérée par le capitaine Crofton de la diminution du nombre des condamnations de 1854 à 1860, on oublie que, même sans cette réforme, la progression décroissante ne se serait sans doute pas arrêtée tout à coup. Il est donc très difficile de mesurer exactement l’influence qu’à eue le nouveau système sur l’abaissement de la criminalité. Ne faut-il pas tenir compte aussi de l’émigration, qui, enlevant chaque année à l’Irlande une partie de sa population, a produit une hausse des salaires et réagi par conséquent sur le nombre des crimes ?

Nous aurions en outre plus d’une remarque à faire sur les conclusions qu’on a tirées parfois trop légèrement des chiffres des statistiques irlandaises, soit contre le système suivi en Angleterre, soit contre les systèmes du continent. Dans son livre sur l’Amélioration de la loi criminelle, M. Bonneville de Marsangy répète, d’après des autorités anglaises, que, « sur 1,800 condamnés qui ont été licenciés, 75 seulement (4 pour 100) ont encouru une nouvelle condamnation. » — « 4 pour 100, s’écrie M. de Marsangy, n’est-ce pas à bon droit que de tels résultats ont été qualifiés de merveilleux ? » Ces chiffres n’ont, à nos yeux, qu’une faible valeur : d’abord parce que les statistiques irlandaises ne comprennent, dans le nombre des récidives, que celles qui se sont produites entre la sortie de prison et l’expiration de la peine, c’est-à-dire dans un temps souvent très court ; ensuite parce qu’elles ne tiennent aucun compte des condamnations à l’emprisonnement prononcées contre les libérés, mais seulement des réintégrations dans les prisons du gouvernement ; enfin parce que, de l’aveu de sir W. Crofton en 1863, l’émigration enlève chaque année plus d’un cinquième de la masse des libérés.

Après ce rapide coup d’œil jeté sur l’histoire de la réforme des prisons en Irlande, il convient d’entrer dans quelques détails sur le régime qui prévaut aujourd’hui en Angleterre, et qui, depuis 1864, ne diffère plus guère du système irlandais que par l’absence des prisons dites intermédiaires.


III

Aussitôt après leur condamnation, les prisonniers anglais sont envoyés soit à la prison de Pentonville, soit à celle de Milbank, toutes deux situées à Londres. La première de ces prisons, bâtie en 1842 pour 520 condamnés, a été agrandie en 1865 et en 1870 ;