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donc avec avidité l’occasion d’étudier les éruptions sous-marines, car il est certain que les élémens de l’air n’ont pas modifié sensiblement la composition des gaz d’origine souterraine, et généralement la ténuité de la couche de liquide traversée et la continuité du dégagement sont aussi des garanties du peu d’importance de l’action modificatrice due au pouvoir dissolvant de l’eau. Ces considérations m’avaient engagé à emporter toute une collection de tubes et d’appareils délicats, destinés soit à emprisonner les gaz que je comptais recueillir, soit à en faire au moins l’analyse qualitative. Aussi l’on peut juger de mon désappointement lorsqu’on arrivant à Terceire j’appris que tout semblait terminé; aucun îlot n’avait apparu à la surface des eaux. La mer vue du rivage, couverte d’une brume légère, paraissait calme et unie sur le lieu qui avait été le théâtre de l’éruption, et les pêcheurs de l’île ne pouvaient fournir aucun renseignement positif sur l’état de cet emplacement; ils étaient encore trop épouvantés pour avoir osé jusque-là s’en approcher.

Voici le récit des phénomènes qui s’étaient accomplis, tel que je l’ai recueilli. Les premiers signes de convulsions souterraines s’étaient manifestés plusieurs mois avant l’apparition des explosions. Des tremblemens de terre, d’abord faibles et peu nombreux, avaient ébranlé le sol dans la partie occidentale de l’île de Terceire dès la fin du mois de décembre 1866. Le village de Serreta, situé dans cette partie de l’île, à une petite distance du rivage, en face de l’endroit où quelques mois plus tard l’éruption devait avoir lieu, avait eu particulièrement à souffrir des commotions. Depuis le commencement du mois de janvier 1867 jusqu’au 15 mars suivant, les secousses de tremblement de terre s’y étaient fait sentir plusieurs fois chaque jour. Dans les premiers temps, ces ébranlemens du sol étaient assez faibles pour ne causer aucun dommage sérieux. Les habitans du village et des hameaux voisins, très effrayés d’abord, n’avaient pas tardé à se rassurer, et leurs inquiétudes s’étaient surtout dissipées pendant une période de tranquillité (du 15 mars au 17 avril) durant laquelle on n’avait ressenti aucune secousse; mais à partir du 17 avril les trépidations s’étaient de plus en plus multipliées en augmentant rapidement d’intensité. Pendant le mois de mai, on en constatait de huit à douze par jour, et depuis le 25 mai jusqu’au 2 juin on en avait compté plus de cinquante dans certaines journées. Les tremblemens, sensibles d’abord seulement à Serreta ou dans le voisinage de cette localité, s’étaient aussi chaque jour étendus davantage, et à la fin du mois de mai on les ressentait dans toute l’île de Terceire. Le maximum d’intensité des secousses s’est toujours manifesté sur le bord de la mer, près de Serreta; les maisons