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de négliger une source quelconque de revenus ; ensuite nous avons perdu, avec l’Alsace et la Lorraine, une étendue considérable de forêts, domaniales, communales et particulières, ce qui a diminué d’autant la production nationale, déjà si insuffisante. Une condition indispensable pour atteindre ce but, c’est de distraire l’administration des forêts du ministère des finances et de la transférer à celui de l’agriculture. Cette modification a déjà été réclamée par un grand nombre de conseils-généraux et par la Société des agriculteurs de France.

Ce n’est pas pour se faire une source de revenus que l’état est propriétaire de forêts, c’est pour fournir à la consommation des bois de fortes dimensions, que les particuliers sont impuissans à produire, et pour conserver à l’état boisé les massifs qui peuvent exercer une certaine influence sur le régime des eaux ou sur la salubrité publique. Sans doute ces forêts, soumises à des exploitations régulières, produisent un revenu annuel ; mais la mise en vente des coupes a bien moins pour but d’alimenter le trésor que d’encaisser au profit de tous un produit qui n’appartient pas plus à l’un qu’à l’autre, et qui ne saurait constituer un profit commercial.

Il ne faudrait pas s’imaginer que la translation dont nous parlons serait sans importance. Il s’agit au contraire d’une réforme capitale d’où dépend l’existence même des forêts de l’état. Le ministre des finances en effet, préoccupé surtout de se procurer de l’argent, n’hésite pas, dans les momens difficiles, à sacrifier l’avenir au présent ; il anticipe sur les coupes, et même il aliène les forêts quand il croit l’opération favorable au trésor. Le ministère de l’agriculture procéderait suivant d’autres principes ; il s’efforcerait par des améliorations continues d’assurer la conservation des forêts et d’en augmenter la production ; jamais l’idée ne lui viendrait de les vendre. En quoi d’ailleurs les questions relatives au reboisement des montagnes, au pâturage, au régime des eaux, à la fixation des dunes, à la gestion des forêts communales, intéressent-elles le ministre des finances ? Elles lui sont absolument étrangères, et il n’y a pas plus de raison de lui en confier la solution que de mettre l’instruction publique entre les mains du ministre de la marine. Elles touchent au contraire à la production du sol et relèvent naturellement du ministre de l’agriculture.

Pour en revenir aux Études de M. Tassy, nous dirons que c’est un livre de principes plutôt qu’un traité pratique. L’auteur ne se dissimule pas qu’aux yeux de gens qui se disent habiles, et qui font peu de cas des théories, c’est là un grand défaut ; mais il ne craint pas d’arborer ouvertement son drapeau. « S’il est vrai, dit-il, que la théorie soit la raison des choses, l’explication des phénomènes de la nature et l’énoncé des règles à suivre pour faire servir ces phénomènes à la satisfaction des besoins de l’humanité, s’il est vrai au contraire que la pratique ne