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point de vue de la position personnelle de M. de Bismarck dans le cabinet prussien, les derniers changemens peuvent avoir quelque valeur au moins pour le moment; à un point de vue plus général, ils ne changent rien. Ils laissent le chancelier avec le même pouvoir, et on pourrait l'ajouter, en face des mêmes difficultés inhérentes à cette unification allemande qui a été commencée, continuée par la guerre, mais que la politique seule peut achever. Ces difficultés, qui sont de toute nature, elles se reproduiront plus d'une fois, elles apparaissaient hier encore à l'occasion de l'institution d'une haute cour de justice impériale qu'on veut créer au-dessus de toutes les juridictions particulières. Le projet présenté au conseil fédéral par le ministre de la justice de Prusse, M. Leonhardt, poussait l'unification jusqu'à la dernière limite et tendait évidemment à faire tout converger à Berlin, qui serait devenu ainsi le centre judiciaire de l'Allemagne. La Bavière, le Wurtemberg, la Saxe ont résisté et revendiquent l'indépendance souveraine, l'autonomie de leurs jurisprudences diverses en tout ce qui ne contrarie pas le droit général de l'empire. Il a fallu ouvrir des conférences nouvelles entre états fédérés, faire la part des susceptibilités particularistes. On en est là, et M. de Bismarck, tout entier aujourd'hui à son rôle de chancelier, n'est pas au bout de son œuvre de hardi Prussien s'efforgant d'absorber l'Allemagne.

CH. DE MAZADE.


LES THÉATRES.
OPÉRA. — LA COUPE DU ROI DE THULÉ.

Parmi tant de monde assistant vendredi à la première représentation du Roi de Thulé, nombre de gens ont dû se demander quelle pouvait bien être la moyenne des talens dans ce fameux concours auquel l'opinion prit sa part d'intérêt. Nous sommes de ceux qui se sont posé la question, et nous cherchons encore quelle devait être la valeur des ouvrages refusés, alors que l'ouvrage proclamé le meilleur de tous par le jury vaut lui-même si peu de chose et par son poème et par sa musique. Le poème surtout mérite d'attirer la curiosité : l'art en est véritablement enfantin. Depuis Aladin et sa lampe merveilleuse, le talisman n'avait plus guère paru à l'Opéra que dans Robert le Diable, et pour y jouer un rôle épisodique. L'heure était sans doute venue de réhabiliter sur notre première scène un vieux moyen qui semblait désormais abandonné aux féeries du Ghâtelet et de la Gaîté. Cette coupe de la ballade, si mélan-