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une sorte de gouvernement moral réunissant toutes les forces vives du pays, des représentans du clergé, de L’Université, de la magistrature, de l’armée, de l’industrie. Le parti radical, selon son habitude, a défendu la doctrine de l’autocratie de l’état sur l’enseignement. La loi nouvelle, extension de la loi de 1850, œuvre de conciliation et de libéralisme, a été soutenue par des conservateurs et des libéraux de tous les rangs et de toutes les nuances, depuis M. Vacherot jusqu’à M. l’évêque d’Orléans. M. le duc de Broglie, comme rapporteur, a surtout défendu et commenté la loi en discussion dans le langage le plus élevé et le plus éloquent Quant à M. Jules Simon, il est trop conciliant pour ne pas s’entendre avec M. le duc de Broglie, avec M. l’évêque d’Orléans, comme au besoin avec quelques radicaux. Il ne demande pas mieux que d’être d’accord avec tout le monde, pourvu que tout le monde soit d’accord avec lui pour le considérer comme un ministre indispensable, et M. le président de la république ne peut certainement qu’être touché de cet attachement d’un de ses collaborateurs au poste de douleur oia il reste enchaîné. Au demeurant, ces discussions sont rassurantes et utiles. Elles sont bonnes pour le pays dont elles font les affaires, bonnes pour l’assemblée elle-même, où elles ramènent cet esprit de conciliation, ce sentiment des choses sérieuses qui préviennent ou atténuent les crises politiques.

Au milieu de ces préoccupations de tous les jours, voici cependant un événement qui en d’autres temps aurait eu pour notre pays une importance décisive. L’empereur Napoléon III vient de mourir àChislehurst des suites d’une opération tentée pour prolonger ses jours. Il s’est éteint presque subitement dans l’exil qu’il s’était fait, qui semblait presque le dénouaient naturel de cette existence aventureuse, et ce qui n’est peut-être extraordinaire qu’en apparence, c’est que sa mort a produit plus d’effet au dehors, en Angleterre, en Italie, qu’en France même. C’est tout simple : celui qui fut l’empereur était pour les Anglais le négociateur du traité de commerce, pour les Italiens le promoteur de la guerre de 1859, pour tous un personnage placé un instant au premier rang dans les affaires du monde. Pour la France, il ne représentait plus que la catastrophe la plus douloureuse dont notre pays ait été la victime depuis des siècles. Ce n’est point sans doute le moment de juger cette destinée étrange, romanesque et fatale. L’empereur Napoléon III est à peine refroidi dans son cercueil, et il a été pendant près de vingt ans le souverain accepté de notre pays. Quand le jour de la vérité viendra, on s’apercevra peut-être que ce personnage impérial a dû son élévation et sa fortune bien moins à son habileté et à la puissance de son esprit qu’à son nom d’abord, puis aux événemens qui l’ont porté, et qu’il n’a pas su même toujours maîtriser. On l’a pris quelquefois pour un calculateur redoutable, pour un profond politique. Non, en vérité, il n’était rien de tout cela, il n’avait