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suprême dérivatif de la guerre. Seulement il fallait que la guerre fût heureuse, et pouvait-elle l’être, entreprise par un gouvernement qui pendant près de vingt ans avait « manqué de contrôle? » Le navire rongé par les tarets, qui portait à la dérive César et sa fortune, ne devait-il pas infailliblement périr dans cette bourrasque? Et plût au ciel qu’elle n’eût englouti que César!


III.

Résumons maintenant les données du problème politique auquel nous venons d’appliquer la méthode expérimentale. La première question que l’on doive se poser en suivant une telle méthode est celle-ci : à quels besoins des nations les gouvernemens doivent-ils pourvoir? Ces besoins varient selon les époques; mais le premier a été de tout temps le besoin de sécurité extérieure, et il ne semble pas malheureusement que les progrès de la civilisation aient rendu en ce point la tâche des gouvernemens plus facile, au contraire! Entre des nations de plus en plus rapprochées et dont les rapports de toute sorte deviennent chaque jour plus fréquens, les occasions de conflits sont aussi plus nombreuses. Ces conflits, il faut savoir les éviter ou les résoudre à l’amiable, et, si une solution pacifique n’est pas possible, il faut être en mesure de les vider par la force. Voilà ce que demande la sécurité extérieure. Le besoin de sécurité intérieure et le besoin de liberté ne viennent qu’après; on pourrait soutenir même qu’ils en découlent. Une nation au sein de laquelle la propriété ne serait point sûrement garantie, dont l’activité ne pourrait prendre tout son essor faute de liberté, serait-elle en état de soutenir longtemps, soit dans la paix, soit dans la guerre, la concurrence de ses rivales en possession plus complète de ces élémens de prospérité et de puissance? En tout cas, la sécurité intérieure et extérieure avec la liberté, voilà bien ce qu’on pourrait appeler les besoins nationaux de première nécessité.

A quelles conditions un gouvernement peut-il y pourvoir d’une manière suffisante? Ces conditions sont aussi de plusieurs sortes; elles n’ont rien d’arbitraire, et elles veulent impérieusement être remplies. La première est la spécialité et la stabilité des fonctions gouvernementales. La politique, l’administration, la justice et la guerre sont des arts qui exigent l’application continue de facultés d’un ordre élevé, façonnées par une éducation professionnelle, aidées par la tradition, qui n’est que l’expérience accumulée. De là la nécessité de la formation d’une classe adonnée particulièrement aux affaires et aux fonctions publiques, et jouissant d’une sécurité