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coup de gens avaient prévue, mais que bien peu avaient voulue, emportait l’établissement constitutionnel de la restauration. Que lui avait-il donc manqué pour durer? Ce n’est pas à la démagogie et au socialisme qu’on peut imputer sa chute : la démagogie était encore ensevelie dans le linceul sanglant de la terreur, le socialisme commençait seulement à poindre, et n’avait pas même un nom. Il faut chercher la cause de cette chute soudaine plus haut, dans le pays légal constitué par la charte de 1814, où se heurtaient avant de se mêler les élémens politiques antérieurs à la révolution avec ceux qu’elle avait fait surgir. C’étaient d’un côté une noblesse qui n’avait pu se résigner complètement au nouvel état de choses et un clergé qui rêvait le rétablissement de ses anciens privilèges pour prix de l’alliance du trône et de l’autel, de l’autre une bourgeoisie considérable par le nombre, la fortune et les lumières, qui craignait d’être dépossédée de son pouvoir politique fraîchement acquis par un retour offensif de l’ancien régime. Entre ces deux fractions du pays légal, la lutte était inévitable. Peut-être aurait-elle fini par un traité de paix, peut-être ces deux élémens hostiles, mais ayant des intérêts et des dangers communs, auraient-ils fusionné à la longue, si le roi n’avait point fait cause commune avec la minorité et provoqué la révolution par une tentative de coup d’état, en se chargeant ainsi de fournir un argument pratique à ceux qui pensent que la royauté n’est pas nécessairement une garantie d’ordre et de stabilité. En dernière analyse, le gouvernement de la restauration est tombé pour avoir menacé la sécurité du nouvel état de choses que la révolution avait fondé; toutefois, en admettant qu’il n’eût pas commis cette faute irrémédiable, renfermait-il en lui-même les élémens nécessaires de durée? Le sort de la monarchie de juillet autorise au moins le doute à cet égard.

Sous le rapport du mécanisme constitutionnel, le gouvernement de 1830 ne différait point sensiblement de celui auquel il succédait. La royauté était conservée avec les mêmes attributions, elle passait seulement de la branche aînée de la maison de Bourbon à la branche cadette; la chambre des pairs continuait d’être nommée par le roi, avec cette modification en réalité assez peu importante, que l’hérédité était abolie; la chambre des députés demeurait ce qu’elle était sous le régime de la charte de 1814, sauf que le cens d’éligibilité était réduit de moitié, — de 1,000 francs à 500 francs, — et le cens électoral d’un tiers, — de 300 francs à 200 francs. Le changement de fait accompli par la révolution de 1830 n’en était pas moins profond, en ce qu’il assurait désormais la suprématie politique de la bourgeoisie libérale. Une partie de la noblesse, non la moins considérable par la richesse et l’influence, se retirait sous la tente