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qu’au fond même de la société. C’est là qu’elle puise ses forces ; autrement elle établira des impôts dont la quotité sera excessive, et qui ne produiront rien.

Les impôts, dira-t-on, qui frappent les objets de première nécessité ne sont pas proportionnels. — Avant de répondre à cette objection, voyons d’abord ce que devient la proportionnalité avec les taxes directes. L’impôt foncier a été établi en 1789 sur les produits de la terre, d’après les anciennes évaluations. Ces produits ont beaucoup changé depuis. Un travail préparé par l’administration des contributions indirectes en vertu de la loi de 1850 montre que le principal de l’impôt était en moyenne de 6,05 de revenu, variant entre les deux extrêmes de 9,07 et de 3,74 pour 100, 48 départemens se trouvant au-dessous de la moyenne et 37 au-dessus : c’est donc une très grande inégalité; elle ne fait que s’accroître de jour en jour. Il en est de même de l’impôt mobilier, il doit atteindre la richesse mobilière. Or qu’y a-t-il de plus trompeur que l’élément qui lui sert de base et qui est la valeur locative? Il est rarement en rapport avec la fortune. Tel individu, par suite de sa position sociale, de sa profession, occupera une maison, un appartement beaucoup plus cher que ne le comportent ses moyens; tel autre sera obligé de se loger plus grandement à cause de l’étendue de sa famille, c’est-à-dire par suite des charges qui viendront à peser sur lui; tel autre enfin par économie ou pour toute autre considération se réduira dans son logement, bien qu’étant très riche, et il ne paiera pas la taxe mobilière en raison de sa fortune, sans compter que cette taxe frappe les revenus fonciers aussi bien que les autres, ce qui fait double emploi. L’impôt des patentes est encore plus inégal ; on a pris pour base la nature de l’industrie, la population du lieu où on l’exerce et l’importance du loyer d’habitation. On ne pouvait peut-être pas faire mieux, et cependant quelle inégalité! Dans la même industrie, les bénéfices varient selon les individus; l’un paiera 1,000 francs de patente avec 100,000 francs de profit, et l’autre, pour acquitter la même taxe, sera obligé de la prendre sur son capital, s’il est au-dessous de ses affaires. Cet impôt des patentes donne lieu aux plus vives réclamations, et on ne voit pas le moyen d’y faire droit et de rétablir l’égalité. Enfin la dernière taxe directe, celle des portes et fenêtres, n’échappe pas non plus aux mêmes reproches. Elle frappe les ouvertures des maisons d’une façon plus ou moins forte selon la population des communes, l’espèce et la situation des ouvertures; mais dans le même lieu la valeur des maisons change d’un quartier à l’autre. On n’en tient pas compte, excepté dans quelques grands centres, où l’on a cru devoir ajouter un droit proportionnel au tarif principal. Partout ailleurs il