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Eh bien ! c’est à ce moment même que la Providence qui vient de nous combler va de nouveau s’éloigner de nous et nous livrer, dans la personne des trois princes qui tour à tour remplaceront le vieux monarque tant haï, aux malheureux défauts de notre race, à la fougue, à la fanfaronnade, à l’esprit d’aventures, au courage inconsidéré. C’est pitié de voir l’héritier direct de ce prudent Louis XI, à peine devenu roi, s’en aller chevaucher au bout de l’Italie, poursuivant à six cents lieues de son royaume la ruineuse folie d’une guerre de conquête, et recueillant pour tout profit, au milieu des dangers d’une retraite hâtive et désespérée, le juvénile honneur d’avoir donné quelque beau coup de lance comme un preux de la Table-Ronde. Ce n’est pas tout : lorsqu’au bout de seize an- nées cet étourdi cesse de vivre et de régner, un esprit modéré, un sage lui succède, et ce sage, ce père du peuple, ce Louis XII, est emporté, lui aussi, par le même torrent. Il ne fait résistance qu’au dedans du royaume, dans son administration intérieure : là il reste lui-même, il est juste, sensé, raisonnable, prudent; au dehors, la contagion le gagne, il est plus fou que tous les autres, compromettant, dilapidant, dans de lointaines et incohérentes entreprises, tous les biens qu’il s’épuise à récolter et à répandre sur ses sujets.

Nous n’indiquons dans cette brève esquisse que les sommités du sujet, quelques rares momens de ces deux cents années si bien, si vivement, si nettement racontées et dépeintes par notre historien. Deux volumes encore, et l’œuvre sera complète. La division de ces deux nouveaux volumes s’offrira d’elle-même; elle est tracée d’avance. Dans l’un, dans le troisième, devra se dérouler le XVIe siècle tout entier, depuis l’avènement de François Ier jusqu’à la mort du dernier des Valois. Là nous verrons l’ardeur des guerres lointaines s’éteindre dans d’autres ardeurs, dans les audaces de la libre pensée, dans les controverses religieuses aboutissant à des massacres. Trente ans de guerre civile, notre sol ouvert de nouveau aux hordes de l’étranger, l’Espagnol remplaçant l’Anglais pour ravager nos plus belles provinces, pendant que sous le masque de la foi et de l’orthodoxie une démagogie effrénée prélude à toutes les violences, à toutes les barbaries, dont deux cents ans plus tard le comité de salut public devait épouvanter le monde, voilà ce qui nous attend dans le troisième volume. Le quatrième sera tout entier consacré aux cinq monarques de la maison de Bourbon. Il nous dira le grand règne de Henri IV, la grande politique du XVIIe siècle, les faiblesses du XVIIIe, jusqu’à cette mémorable date 1789, dernier terme de l’œuvre, sorte de barrière entre le passé et l’avenir, en-deçà de laquelle l’auteur entend s’arrêter.

Nous ne dirons jamais assez combien dans l’intérêt de la vérité aussi bien que des saines études, dans l’intérêt des pères non moins que des enfans, l’achèvement de cette œuvre historique nous sembla désirable.