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et que son exemple nous enseigne, avec le respect des traditions, la conduite que nous avons à tenir. Avant d’entrer au palais Mazarin, Cherubini avait écrit bien des chefs-d’œuvre, Boïeldieu avait donné son premier répertoire, Auber la Muette, et parmi ceux qui siègent aujourd’hui à la place de ces maîtres il n’en est pas un qui n’ait son bagage et ses titres. Les membres du corps musical actuel doivent comprendre assez les intérêts de leur propre gloire pour ne vouloir admettre dans leur sein que des hommes qui soient leurs égaux par le talent. À ce compte, il ne saurait y avoir de vote, du moins en ce qui regarde l’heure présente; l’important est de voir venir, d’attendre que ce qui promet se soit affirmé, et de laisser tranquille une saison ou deux l’arbre des candidatures : de cette manière, les fruits caducs tomberont, et les autres arriveront à maturité.


F. DE LAGENEVAIS.


ESSAIS ET NOTICES.

L’HISTOIRE DE FRANCE, depuis les temps les plus reculés jusqu’en 1789, racontée à mes petits-enfans, par M. Guizot, 2e volume.


Nous demandions naguère, à cette même place[1], comme un des meilleurs gages de progrès et de rénovations dans les études de nos générations nouvelles, comme une sorte de renfort à nos patriotiques espérances, que M. Guizot, de sa plume octogénaire, pût mener à bonne fin l’œuvre attachante et lumineuse entreprise par lui pour ses petits-enfans. Nos vœux se réalisent : voici déjà le second volume de cette Histoire de France entièrement terminé; il va jusqu’à la fin du règne de Louis XII; le seuil du XVIe siècle est franchi.

Ce volume à lui seul, dans l’espace de deux cents ans, est tout un drame plein d’enseignemens et de grandeur. L’unité nationale, le royaume de France vient à grand’peine de se constituer. Par l’épée de Philippe-Auguste, par l’héroïsme et les lumières de saint Louis, notre chaos féodal s’est transformé en une monarchie intelligente et guerrière, puissante et respectée, placée déjà, sans conteste en Europe, à la tête de la civilisation. C’est un noble édifice, habilement construit, mais nouvellement fondé : va-t-il tenir debout? Que de rivalités s’éveillent contre lui! que de redoutables influences I Dès le siècle précédent, une nation voisine, tout autrement constituée et d’un tempérament tout autre, une nation insulaire, s’est glissée sur le continent, et a mis en échec pen-

  1. Voyez la Revue du 15 mai 1872.