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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 décembre 1872.

Les jours s’envolent, les mois se succèdent avec une étonnante rapidité, et voilà que déjà nous touchons à la dernière heure de la deuxième année révolue depuis que la France a vu se tourner contre elle la fortune irritée, depuis qu’elle a été devant le monde la victime d’une incomparable catastrophe publique. Autrefois cette heure privilégiée et consacrée qui sépare deux périodes du temps revenait avec son cortège de pensées heureuses, de vœux illimités et d’espoirs renaissans. Tout au plus se laissait-on aller un instant, avant de reprendre sa course, à la vague et émouvante impression de la fuite des choses. On oubliait qu’une année de plus venait de passer pour ceux qui se rapprochent du terme mystérieux, et on ne voyait que la joie aimable, bruyante, des enfans entrant dans la vie par la porte dorée, faisant leur première étape vers un avenir qu’on pouvait envisager avec confiance. Maintenant on aurait beau vouloir se faire illusion en renouant de son mieux les vieilles et familières habitudes, le destin est devenu sévère pour nous. Les fêtes les plus douces elles-mêmes se voilent d’une ombre insaisissable. Dans tous les souhaits qu’on peut former, il y a comme une amertume secrète, comme un souvenir involontaire et obsédant des malheurs qu’on a traversés. On ne peut se défendre d’un certain mouvement de tristesse et d’anxiété, car enfin, à ce point imperceptible du temps où nous sommes aujourd’hui, on se trouve entre un passé douloureux qui pèse sur tous les cœurs patriotiques et un avenir qui est la plus redoutable énigme, qui sera ce qu’on le fera, — qui réserve dans tous les cas à notre pays des luttes nouvelles et des efforts nouveaux pour retrouver tout ce qu’il a perdu. Puisqu’il y a déjà deux ans que ces grands deuils publics ont été infligés à la France, on est invinciblement porté à se demander ce qui a été fait, quelles résolutions généreuses ont été prises, quels travaux sérieux et fructueux ont été accomplis, comment en un