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l’heure même où ils viennent de recevoir leurs salaires, — de faire descendre le minimum des dépôts au-dessous de 1 shilling (1 fr. 25 cent.), afin de permettre aux caisses postales de rendre les mêmes services que les penny-banks, où l’on reçoit les plus petites sommes, établissemens qui sont comme les radicelles de l’épargne, et qui, fondés il y a quinze ans à Derby, se sont bientôt multipliés dans un grand nombre d’autres localités, — de permettre au déposant de verser plus de 750 francs dans une année, et d’avoir à son livret plus de 3,750 fr., — enfin d’ouvrir des caisses d’épargne postales dans tous les bureaux de poste, même dans les villages, privés jusqu’ici de ce service. Ainsi en Angleterre l’opinion des hommes d’état les plus compétens est favorable à l’extension des dépôts par des facilités plus grandes données aux déposans, et cela en face d’un stock qui sera bientôt de 1 milliard 1/2, qui est aujourd’hui de plus de 400 millions pour la caisse postale, et qui pour cette seule caisse postale s’accroît chaque année de 40 à 50 millions de francs.

En France, nos caisses d’épargne, constituées par des sociétés privées ou par des communes, sont des établissemens d’utilité publique, soumis à une législation spéciale de faveur, mais autonomes, c’est-à-dire ayant leur existence propre. Elles s’administrent elles-mêmes : cependant l’état les surveille par ses inspecteurs des finances, et il centralise en compte-courant leurs fonds, qu’il bonifie d’un intérêt de 4 pour 100. En réalité, les administrations des caisses d’épargne françaises ne sont que des agences administratives, intermédiaires entre les déposans, qui leur versent ou leur retirent leurs épargnes, et l’état, qui encaisse et fait valoir les fonds déposés. On le voit, le dépositaire réel est ici l’état. Pourquoi donc alors un intermédiaire spécial entre l’ouvrier déposant et l’état dépositaire ? Ne vaudrait-il pas mieux avoir une caisse d’épargne absolument officielle, servie par les seuls agens du trésor ? En définitive, si nous mettons à part dans cette question la Banque de France, qui reste et doit demeurer dans son rôle spécial, il n’y a pas en France un établissement, autre que l’état, qui puisse inspirer et qui inspire au peuple une confiance suffisante. Si l’état est en France le dépositaire naturel et seul possible des épargnes du peuple, pourquoi ne serait-il pas le directeur-général de tous les bureaux d’épargne de France ?

Cette question a été posée et sérieusement examinée en 1869 par une commission officielle ayant pour président M. de Parieu et pour rapporteur M. le comte Ch. de Germiny, ancien gouverneur de la Banque de France, et on a été d’avis qu’il est prudent à l’état et profitable au crédit populaire des caisses d’épargne d’associer à la responsabilité de l’état les hommes honorables qui administrent gratuitement chaque caisse d’épargne. Ce sont des notables de la localité, connus et estimés des déposans ; leur concours désintéressé a le caractère d’un généreux patronage, et fortifie la confiance nécessaire à cette délicate institution, car il place entre l’état et les déposans un curateur qui a pu quelquefois