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elle donne la mesure de l’importance qui s’attache à la direction des entreprises de chemins de fer : il ne suffit pas d’éviter la prodigalité dans les dépenses, il convient en outre de ne toucher que d’une main sûre aux éléments de recettes. Une fausse manœuvre risquerait de coûter des millions et de faire pencher vers la ruine, qui serait la ruine publique, le plateau d’une balance qui se trouve déjà chargée d’un poids de 300 millions pour l’intérêt des obligations, c’est-à-dire pour le service d’une dette. Aussi est-ce avec beaucoup d’attention qu’il convient d’observer les résultats de l’exploitation des chemins de fer, d’examiner si les recettes suivent la même progression que les dépenses et de s’éclairer sur les conséquences financières qui résultent de l’extension du réseau.

En 1851, les recettes de toutes les compagnies étaient de 106 millions, et les dépenses de 48, ce qui laissait un excédant de recettes de 58 millions. L’exploitation de 1869 a compté 706 millions de recettes, 321 millions de dépenses, soit un excédant de 385 millions. Ne nous arrêtons pas cependant à ces gros chiffres, qui ne font que traduire en argent les énormes augmentations signalées plus haut dans le transport des voyageurs et des marchandises. Pour établir des comparaisons utiles, on doit consulter les résultats kilométriques. La statistique montre que la recette par kilomètre s’est élevée de 32,600 fr. en 1851 à 42,900 fr. en 1869, la dépense de 14,600 fr. à 19,500 fr. : soit un excédant de recette de 18,000 fr. pour la première année et de 23,000 fr. pour la dernière. Cette situation paraît favorable, puisque la recette s’est accrue dans une plus forte proportion que la dépense ; mais il y a en outre le budget de la construction qui prélève sur l’exploitation les sommes réclamées par le service des capitaux employés à l’établissement de la voie ferrée. Quelle que soit l’augmentation de la recette, si le chiffre des intérêts dus au capital pour l’ensemble du réseau suit une progression plus rapide, le profit de l’exploitation est atténué. C’est pour ce motif que les bénéfices des compagnies ont été moindres en 1869 qu’en 1851, malgré l’amélioration du trafic.

Cette question est si importante que nous croyons nécessaire d’y insister, en la limitant pour la rendre plus précise. Les grandes compagnies ont dressé des tableaux qui font connaître, pour chaque ligne de l’ancien et du nouveau réseau, d’une part les recettes, dépenses et produit net de l’exploitation en 1869, d’autre part le bénéfice ou la perte qui resterait en fin de compte, si l’on ajoutait aux dépenses l’intérêt à 5 1/2 pour 100 des capitaux de premier établissement. A ne considérer que l’exploitation proprement dite, presque toutes les lignes présentent un excédant de recettes ; mais dès que l’on ajoute à la dépense l’intérêt du capital, le résultat est modifié. Il n’y a pas une seule ligne du nouveau réseau qui ne soit