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empreintes du sentiment de l’idéal nous apprennent ou nous rappellent que, dans la peinture de paysage comme dans toute production de l’art en général, il y a quelque chose de supérieur et de préférable à la simple représentation du fait, quelque chose d’aussi nécessaire que la vraisemblance matérielle, d’aussi influent que la beauté même des types donnés, — c’est l’expression choisie et poétique, c’est l’élévation de la forme, c’est le style. Sans le style, j’entends sans l’interprétation originale et personnelle, la fidélité pittoresque n’est plus qu’une mutile contrefaçon, le talent qu’un synonyme de l’adresse ou de la patience, l’art lui-même qu’un procédé industriel. Ce sont là, dira-t-on, des vérités banales. Soit ; mais, s’il y a un moment où des banalités de cette sorte peuvent être répétées sans scrupule, n’est-ce pas quand chacun semble les oublier ? Si quelques paysagistes, au premier rang desquels il faut citer M. Cabat et M. Français, s’obstinent heureusement à défendre dans leurs ouvrages les droits de la pensée et la légitimité du sentiment, combien n’en rencontrerait-on pas qui, s’accommodant au hasard de tout ce que la réalité leur offre, paraissent ne viser à rien de plus que la simple copie des surfaces, ne rien ambitionner au-delà d’un naturalisme analogue à la littéralité photographique ! D’autres, sectateurs de M. Corot, croient avoir rempli leur tâche quand ils ont, en quelques coups de pinceau, esquissé l’ensemble d’un effet et noyé chaque forme, chaque contour dans les brumes d’une épaisse atmosphère. Enfin les éclatans succès de Henri Regnault et ses procédés tout exceptionnels pourtant, tout inhérens à ses facultés spéciales, n’ont-ils pas déjà éveillé assez généralement l’esprit d’imitation pour qu’on ne puisse craindre de ce côté encore plus d’une entreprise stérile, plus d’une périlleuse aventure ? En face des erreurs présentes ou dans la prévision des erreurs prochaines, il n’est donc pas superflu de recourir aux vérités théoriques pour essayer de ramener ou de prémunir l’opinion. La critique a ce devoir en tout temps, même au risque de quelques redites ; elle l’a plus que jamais lorsqu’aux efforts qu’elle peut tenter s’ajoute l’autorité imprévue d’un grand exemple,, d’une série d’œuvres tout à coup mise en lumière, lorsqu’elle trouve, comme aujourd’hui dans les dessins de M. Bertin, la démonstration pratique du beau dont il lui appartient de recueillir les principes et d’enregistrer les lois.


HENRI DELABORDE.


DE QUELQUES RÉCENS TRAVAUX SUR LA HONGRIE.
I. Bd. Sayous, Histoire des Hongrois et de leur littérature politique de 1790 à 1815 — II. Daniel Lévy, l’Autriche-Hongrie, ses institutions et ses nationalités. — III. Poésies magyares, Pétœfi Sandos, traduction par H. Desbordes-Valmore et Ch. E. e Ujfalvy. — IV. Ujfalvy, la Hongrie, son histoire, sa langue et sa littérature.


Pendant bien longtemps, il n’y a guère eu pour les Français d’autre histoire que l’histoire de France. Nous sommes enclins à voir dans la