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seront dévolus à Bertrand et Thomas de Nogaret, fils de son frère défunt, ou à leurs enfans non religieux. A leur place, Nogaret substitue encore Bertrand, fils de Gildebert, son neveu. Il laisse à Béatrix, sa femme, la dot qu’il a reçue de son père, soit 1,500 livres tournois ; plus de quoi se nourrir et s’entretenir selon son état. La pièce est datée de Paris, février 1309 (1310, nouveau style). On voit que Nogaret était déjà entré par ses alliances dans la plus grande noblesse du Languedoc.

C’est ici le lieu de remarquer que Guillaume de Plaisian, que nous voyons à côté de lui dans tous les actes importans de sa vie, était aussi Languedocien et avait ses propriétés dans le même pays. Les seigneuries de Vezenobre (sur le Gard, près d’Alais), d’Aigremont, de Ledignan, qui lui appartenaient, étaient situées à peu de distance de Calvisson. Comme Nogaret, Plaisian contracta des alliances avec la première noblesse de la province. Sa carrière offre beaucoup d’analogie avec celle de Nogaret, et depuis le procès où, comme disaient les défenseurs de Boniface, ils jouèrent le rôle de « deux renards noués par la queue[1], » on ne les sépara plus. « Les deux Guillaumes, » dans tout ce qui va suivre, ne furent qu’une seule et même personne. Plaisian servait à couvrir Nogaret, dans les cas où l’excommunication de ce dernier rendait sa position difficile ; mais en général la direction de leur action commune et surtout la rédaction de leurs écrits communs paraissent avoir appartenu à Nogaret.

Eu exécution de la bulle du 13 septembre 1309, les parties comparurent devant le pape en plein consistoire, dans la salle basse da couvent des frères prêcheurs d’Avignon, où le pape tenait ses consistoires publics, au jour précis qui avait été marqué, savoir le 16 mars 1310. Les accusateurs étaient, outre Nogaret, trois chevaliers, Guillaume de Plaisian, Pierre de Gaillard, maître des arbalétriers du roi, et Pierre de Broc, sénéchal de Beaucaire, assistés d’un clerc, Alain de Lamballe, archidiacre de Saint-Brieuc. Tous les cinq se qualifiaient envoyés du roi de France ; ils étaient accompagnés d’une bonne escorte, car ils affectaient de craindre les attaques des partisans de Boniface. Les défenseurs de la mémoire de ce dernier étaient au nombre de douze, parens et cliens des Gaetani, ou docteurs en droit. On était frappé tout d’abord de la timidité des bonifaciens, et il fallait l’impudence de Nogaret pour oser prétendre que c’était lui qui jouait en cette circonstance le rôle de faible et de persécuté.

  1. Patet ipsos in vanitate sensus caudas habere in idipsum ad invicem colligatas, Allusion à Juges, XV, 4.