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et appareils de lavage ; 2° d’apporter à son exploitation de mines des entraves telles qu’elle devra l’abandonner. D’un autre côté, la revendication par l’état d’une somme de 1,880,000 francs et l’établissement d’un impôt de 30 pour 100, porté par de fausses évaluations à soixante pour cent, sur le produit net des principaux scoriaux qu’elle possède, menacent son existence même et la mettent en face d’une ruine complète.

Une ville de 3,000 habitans bâtie sur une plage déserte, un port donnant un mouvement annuel de 40,000 tonneaux, pourvu d’un môle et de quais de déchargement, une des plus grandes fonderies de plomb connues élevée comme par enchantement, 10 kilomètres de chemin de fer à traction à vapeur, 3 kilomètres de chemin de fer américain, 66 kilomètres de routes carrossables tracés dans un pays montagneux, une industrie florissante tirée pour ainsi dire du tombeau, un capital de plusieurs millions de francs immobilisé sur le sol de la Grèce, telle est l’œuvre accomplie depuis 1864 par la société franco-italienne. En récompense, elle a eu à repousser des attaques de tout genre ; ses travaux, ses opérations industrielles ont été entravées de mille manières, elle a été frappée d’impôts écrasans, et se voit enfin dépouillée d’une propriété légitimement acquise, dont la valeur a été créée par elle seule, et dont elle seule peut tirer parti.

Il appartenait aux gouvernemens français et italien de prendre en main la défense de leurs nationaux, qui est en même temps celle de la justice et de l’équité. L’affaire d’Ergastiria est bien connue dans l’Orient, et, si les étrangers qui l’ont fondée et menée à bien avec tant d’énergie étaient obligés de l’abandonner, la sécurité de ceux de leurs compatriotes que le commerce ou l’industrie appellent dans ces contrées serait gravement compromise. Aussi la France et l’Italie n’ont-elles pas hésité à intervenir, et elles ont proposé au gouvernement hellénique de faire régler le différend par une commission arbitrale présentant toutes les garanties désirables d’impartialité. Leur offre a été repoussée. Telle est la situation.

Tous les amis sincères de la Grèce, tous ceux qui souhaitent de la voir entrer franchement dans la voie du progrès et de la régénération et se rendre digne du rôle qu’elle aspire à jouer en Orient, doivent l’engager à ne pas persévérer dans une politique si contraire à ses véritables intérêts, si peu conforme aux saines idées économiques, et lui rappeler l’exemple des anciens Athéniens, qui, bien loin de repousser les étrangers, s’efforçaient d’attirer par des privilèges ceux qui étaient disposés à faire des fouilles dans les mines du Laurium.


CH. LEDOUX.