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de train, au risque de se casser les os, ce qui arrive quelquefois, et de tuer leurs chevaux, ce qui arrive souvent.

Voici un exemple des dispositions que l’on rencontre chez cette population. Le jour même de notre arrivée, un Grec superbe, grand, large d’épaules et taillé en hercule, se présente au directeur et lui demande du travail. — Volontiers, répond M. d’A… dans ce langage inimitable composé d’espagnol, d’italien et de romaïque qui se parle à Ergastiria ; mais que sais-tu faire ? — Tout ce que tu voudras, seigneur. — Eh bien ! là-bas aux fours il y a de l’ouvrage pour toi, tu travailleras à enlever les gâtchas. — Au bout d’une heure, notre homme revient avec une mine assez piteuse et dit qu’il n’est pas fait pour une telle occupation, — les pistolets qu’il porte à la ceinture l’empêchent de se courber, il fait trop chaud, ses mains ne savent pas manier les lourds outils en fer. — Vois-tu, seigneur, cela, je ne puis pas le faire. En revanche, je sais me servir d’un fusil, et, si tu as besoin de te débarrasser de quelqu’un, je suis ton homme. — M. d’A…, n’étant pas du pays, ne se souciait pas beaucoup d’utiliser les talens de cet estimable travailleur ; il finit toutefois par lui donner la garde d’un scorial dans la montagne. Dans nos courses à cheval, nous rencontrions souvent ce singulier personnage ; nous le voyions sortir inopinément d’un buisson, nous souriant aussi gracieusement que le permettait sa face de bête fauve. Avec sa barbe noire hérissée, ses dents blanches, ses yeux brillans, son fusil sur l’épaule, ce demi-sauvage était alors vraiment beau, et nous ne pouvions nous empêcher de l’admirer nous devançant toujours sans fatigue apparente, quelle que fût notre allure, et courant droit devant lui comme un loup sans souci des broussailles et des ronces.

Les Maniotes, descendans des anciens Esclavons qui envahirent autrefois la Morée, donnèrent des manœuvres vigoureux et durs à la fatigue. Les îles de l’Archipel, principalement Milo, fournirent des maçons. Les mécaniciens, forgerons, charpentiers, sont Français, Italiens ou Anglais. Le personnel des mineurs et des fondeurs a été recruté tout entier dans les mines et l’usine que le fondateur de la société possède aux environs de Carthagène ; ils viennent ordinairement avec leurs familles, assurés d’une haute-paie, passer deux ans en Grèce, après quoi ils s’en retournent chez eux et sont remplacés par d’autres. Ce sont de bons ouvriers, dévoués, infatigables, esclaves de la consigne ; sans cet excellent noyau, on ne serait jamais arrivé à monter en si peu de temps la fabrication.

L’usine ne traite actuellement que des scories antiques qui tiennent de 8 à 12 pour 100 de plomb. On les mélange dans des proportions convenables, et on les charge avec du coke dans des fours cylindriques de 2 mètres de hauteur, soufflés par des ventilateurs.