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colonie. Il en faut chercher la cause dans la nature de cette administration presque rudimentaire établie aux débuts de la conquête, qui répondait aux besoins du jour, et ne pouvait suffire à des intérêts plus complexes et plus généraux. Il fallait, pour entrer dans la voie nouvelle, remanier franchement cet état de choses avec lequel on avait vieilli, qui pour beaucoup d’esprits semblait avoir atteint toute la perfection désirable de fonctionnement. On se demandait si l’heure était venue, on reculait devant les difficultés qui allaient se présenter.

Tant qu’il ne s’agira pour l’administration intérieure que de régler les questions litigieuses entre Annamites et Chinois, le système des inspections, tel qu’il a été conçu tout d’abord, pourra faire face aux besoins de la cause ; il deviendra certainement insuffisant le jour où les intérêts étrangers et indigènes se trouveront en présence. On a donc songé avant tout à créer sur des bases sérieuses un corps d’inspecteurs civils, et à transformer des emplois qui, jusqu’à ce jour, n’ont été souvent que temporaires en une carrière exclusive offrant de larges avantages pour prix des connaissances requises, des dangers à courir et des services rendus. Les nominations émaneraient du chef de l’état ; nul ne serait admis à se présenter, s’il ne sortait des grandes écoles du gouvernement, s’il n’avait occupé une position libérale exigeant des études sérieuses, ou, à défaut de ces conditions, s’il n’était muni des diplômes des deux baccalauréats. Les limites d’âge seraient fixées de vingt à vingt-huit ans. Après un stage employé dans une école spéciale de Saigon à apprendre la langue, le code annamite, et à se familiariser avec les coutumes du pays, les candidats subiraient un examen et seraient nommés titulaires dans le corps ou ajournés, suivant leur mérite. L’avancement en classe aurait lieu par rang d’ancienneté et sur les propositions de choix du directeur de l’intérieur, approuvées par le gouverneur ; un temps de service déterminé donnerait droit à une retraite suffisante pour assurer le repos.

Telles sont les bases du projet récemment soumis à l’approbation de la direction des colonies ; on peut prévoir dès à présent que les objections ne lui seront pas épargnées. Des appointemens élevés dans des positions relativement inférieures, des retraites acquises après un maximum de douze ans de service et surpassant celles de nos officiers-généraux, ce sont là des faits sans précédens dans les annales administratives, et, bien que les frais qui en seront la conséquence doivent être à la charge du budget local, la question de principe en sera vivement émue. Quiconque a vécu en Cochinchine sait les risques que l’on y court ; sans être absolument malsain, le climat affaiblit rapidement les Européens, et l’on peut dire, sans