Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 102.djvu/73

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

maison de fous devrait être à la fois médecin, prêtre et administrateur, afin qu’il n’y eût aucune déviation dans la direction imprimée au malade. Si le traitement moral suffisait, un administrateur intelligent pourrait facilement l’appliquer. — Ce que je cherche dans nos asiles, c’est l’action du médecin, et je ne l’aperçois encore que bien peu dès que je suis sorti de la salle d’hydrothérapie. A voir les aliénistes à l’œuvre, on dirait qu’à force de se considérer comme les investigateurs jurés des désordres de l’esprit ils ne sont plus que des philosophes dissertant sur les différentes formes des aberrations de la pensée. Ont-ils donc oublié leurs études premières ? Ne se souviennent-ils plus que l’aliénation, toujours produite par une altération matérielle, exige des soins constans, assidus, et qu’elle peut être modifiée, soulagée, guérie même dans beaucoup de cas par une médication énergique et suivie ? Ils partent d’un principe qui est vrai pour quelques rares malades, mais qui est radicalement faux et vicieux pour le plus grand nombre ; ils estiment que, pour ne pas perdre leur autorité morale sur l’aliéné, ils ne doivent le voir que rarement. — Non, l’influence ne s’impose pas, elle s’acquiert lentement, en prouvant au malade qu’on porte intérêt à ses souffrances, qu’on les comprend, qu’on les partage, et l’on détermine ainsi une soumission, une volonté de guérir, un retour verse l’espérance qu’on n’obtiendra jamais, si l’on se contente de passer rapidement en disant : — Allons ! bon courage ! — Le maître, Esquirol, n’a-t-il pas dit : Il faut vivre avec les malades ? J’ajouterai avec le bon docteur Hergt : Il faut s’en faire aimer.

La science aliéniste est-elle bien certaine de ne point s’être engagée dans une voie sans issue et de ne pas prendre les apparences pour la réalité ? S’épuisant à regarder les phénomènes extérieurs de la folie, elle ne voit plus qu’eux ; elle s’ingénie à mille divisions minutieuses, détaillées ; n’a-t-elle pas étudié la variété de l’aliéné déchireur, comme si tous les fous, en accès de délire aigu, n’avaient pas une propension souvent invincible à lacérer tout ce qui tombe sous leurs mains ? Il ne s’agit plus aujourd’hui de dire comment procède la folie, ce qui est relativement facile ; il s’agit de déterminer d’où elle procède, où gît la lésion qui l’a fait naître, quel est le point spécial qui est atteint. En un mot, il faut découvrir la causent ne point se contenter de constater les effets. La question est fort importante, on ne saurait la serrer de trop près. En reprenant la classification première, on peut dire que la lypémanie, la monomanie, la manie, la démence, l’idiotie, sont les cinq modes d’être de l’aliénation ; mais où siège le principe morbide ? Dans l’encéphale, dans la moelle épinière, dans les grands nerfs ? C’est là cependant ce qu’il faut savoir, sinon la science, se complaisant à des