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attentif la marche des maladies à la surface de la terre, n’avaient pas cessé d’appréhender le retour plus ou moins prochain du fléau asiatique. Une épidémie qui avait désolé l’empire birman en 1842, puis l’Afghanistan et la Tartarie, était parvenue en Perse à la fin de 1845. De là, elle se porta dans deux directions différentes, de l’est à l’ouest par Bagdad et La Mecque, et du côté du nord vers Tauris et les provinces caucasiennes. Dès les premiers jours de 1847, le choléra éclatait à l’ouest du Caucase, dans les rangs de l’armée russe, qui tenait la campagne en Circassie, et il gagna peu à peu le reste de l’Europe. Ainsi le 5 octobre 1848 un bâtiment venant de Hambourg et ayant à bord des marins atteints du choléra débarquait à Sunderland ; le 24 octobre, une partie de la Grande-Bretagne était infectée ; le 20 du même mois, immédiatement après l’entrée d’un navire anglais à Dunkerque, l’épidémie se montra dans le nord de la France. Lille, Calais, Fécamp, Dieppe, Rouen, Douai, subirent successivement les atteintes du fléau. Le 29 janvier 1849, aussitôt après l’arrivée d’un bataillon de chasseurs à pied venant de Douai, un premier cas de choléra fut observé à Saint-Denis. Le 7 mars, la maladie était à Paris.

Les deux épidémies dont il vient d’être question sont donc immédiatement d’origine asiatique. On n’en saurait dire autant de celle qui sévit en Europe de 1852 à 1855; du moins on n’a pas suivi la trace d’un parcours épidémique effectué de l’est à l’ouest et du sud au nord. Cette épidémie, après avoir sévi faiblement en Bohème vers la fin de 1851, se montre avec une intensité extraordinaire et soudaine, dès le mois de mai 1852, dans le grand-duché de Posen, d’où elle se propage d’abord à l’est, du côté de la Russie, puis à l’ouest, du côté de l’Allemagne. En 1853, on la voit en Danemark, en Suède, en Norvège, puis en Angleterre et en France, où elle acquiert toute son intensité en 1854. Pendant cette année néfaste, le fléau ravagea l’Europe entière. Les grands mouvemens de troupes qui eurent lieu à cette époque favorisèrent la diffusion du poison, en même temps que les agglomérations considérables qui se trouvaient en Turquie et en Crimée constituaient comme un foyer secondaire pour la multiplication des effluves épidémiques. Le choléra de 1852-55 fit son entrée à Paris en novembre 1853, s’y assoupit en janvier 1854, se ranima en février, et sévit surtout en mars et pendant les mois suivans, pour quitter la capitale au mois d’août. Soixante-six départemens, particulièrement ceux du nord-est, reçurent la visite de l’épidémie. Il est à noter que la Suisse, qui avait résisté aux deux précédentes invasions, paya cette fois son tribut.

Jusqu’alors, les épidémies n’avaient pénétré en Europe que par