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qui peut-être aurait guéri si on l’eût confiée en temps opportun à des aliénistes, on fait un je ne sais quoi qui remue encore, qui ne peut pas mourir et qui n’a plus rien d’humain. Je n’exagère pas; les cours d’assises ont jugé plus d’un de ces drames domestiques, et combien sont restés ignorés et ont eu un dénoûment qu’on n’ose se figurer !

Dans l’asile, tout se passe en plein jour; le préfet de police par ses délégués, les magistrats, les médecins, y regardent à toute heure, et rien de semblable, rien d’approchant ne peut s’y produire. Les malades y sont respectés, soignés, traités avec une extrême bienveillance. Toute injure échappée aux infirmiers est immédiatement punie par l’expulsion. Il y a peu de temps, à l’établissement de Vaucluse, un gardien qui venait d’être maltraité par un fou en accès furieux s’oublia jusqu’à donner un soufflet à celui-ci ; on ne se contenta pas de le chasser, il fut appréhendé par les gendarmes dans l’asile même, traduit en police correctionnelle et condamné à quinze jours de prison. Le directeur qui avait provoqué ces mesures sévères sait qu’il n’a fait que son devoir; on n’a pas plus le droit de frapper un fou qu’on n’a le droit de frapper un phthisique : l’un et l’autre sont des malades. L’asile est en outre un lieu de protection pour les intérêts des aliénés; là ils sont défendus contre les testamens antidatés, contre les donations entre-vifs, les contrats de ventes dérisoires, et tous autres actes analogues que trop souvent la cupidité des familles arrache à leur raison vacillante. Sous ce rapport, la loi de 1838 est incomplète; à force de vouloir protéger la personne même du malade, elle a oublié de protéger suffisamment ses biens. Dans la semaine de l’admission même, un administrateur devrait être nommé pour gérer les biens de l’aliéné et pour veiller à ce qu’il reçoive des soins en rapport avec son état de fortune. Plus d’un malade rentrant chez lui après avoir été guéri a trouvé ses biens dilapidés par une femme prodigue, par des enfans insoucians, par des parens avides qui ont le préjugé populaire et absurde que la folie est un mal incurable. Plus d’un homme riche de 30,000 ou 40,000 livres de rente a été placé au début dans des maisons où l’on payait 6,000 fr. par an; la pension a diminué, elle est tombée à 3,000 francs, puis à 1,200 fr., et enfin le malheureux a été poussé dans un asile public pendant que sa famille vivait grassement de son revenu, qu’elle aurait dû consacrer à son traitement et à son bien-être. Il y a longtemps que Falret a demandé que les aliénés fussent assimilés aux absens.

Il est une prescription de la loi qu’on a laissée longtemps et qu’on laisse encore en souffrance. L’article 24 dit expressément : « Dans les lieux où il n’existe pas d’hospices ou d’hôpitaux, les maires devront pourvoir au logement des aliénés, soit dans une hôtellerie,