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quatre commissaires. Les associés peuvent vendre leur part; cependant il faut le consentement du propriétaire et de l’association pour que la vente soit définitive et le nouvel associé admis. La seconde société a été fondée en 1854 dans les mêmes conditions, et avec le même succès. M. Gurdon a également fait une avance de 400 livres sterling, qui lui ont été remboursées. L’exploitation s’est successivement agrandie ; elle s’étend aujourd’hui sur 212 acres, dont le fermage s’élève à 325 livres (environ 8,000 fr.). Les parts primitives, sur lesquelles 3 liv. 10 shill. ont été versés, valent maintenant plus de 30 livres. M. Fraser n’hésite pas à vanter les avantages du système, et un autre écrivain, qui a visité également les Assington coopérative agricultural associations, a confirmé dans le Pall-mall gazette du 4 juin 1870 l’exactitude des faits rapportés par M. Fraser. Le célèbre économiste allemand von Thünen avait introduit après 1848, sur sa terre de Tellow, dans le Mecklembourg, le système de la participation aux bénéfices en faveur de ses ouvriers agricoles. D’après les indications fournies par le docteur Brentano du bureau de statistique de Berlin, l’expérience, qui se poursuit malgré la mort de von Thünen, donne d’excellens résultats, car chaque travailleur touche annuellement un dividende d’environ 25 thalers, et les plus anciens d’entre eux ont à la caisse d’épargne un capital de 500 thalers.

L’idée d’appliquer la coopération au travail agricole est en grande faveur aujourd’hui en Angleterre parmi les classes ouvrières; elle est même patronnée par M. Mill, qui voudrait que l’état concédât une partie des terres communales qui existent encore à des sociétés agricoles coopératives. Ces plans ont trouvé de l’écho jusqu’aux antipodes, et il vient de se constituer à Melbourne, en Australie, une association, la Land reform league, qui a pour but d’obtenir que l’état cesse de vendre les terres publiques et en conserve la propriété en prévision de l’avenir[1]. Nul doute qu’il ne soit désirable de voir appliquer l’association coopérative à l’exploitation du sol. Plusieurs économistes, entre autres Rossi, en ont parfaitement montré les avantages. Les deux principaux sont premièrement qu’on opère ainsi la conciliation du travail et du capital,

  1. Il est certainement regrettable de voir l’état en Amérique et en Australie vendre à vil prix des terres dont le revenu suffirait plus tard pour remplacer tous les impôts. Aux États-Unis, le congrès a concédé aux écoles des millions d’acres qui sont aliénés au prix de 1 dollar l’acre, et même à meilleur marché. On pourrait concéder ces terres on lease pour quatre-vingt-dix ou cent ans, comme on le fait pour les chemins de fer. Puisque ce terme est assez long pour permettre les énormes dépenses qu’entraîne l’établissement des voies fériées, à plus forte raison il ne ferait pas obstacle au travail agricole, qui n’exige pas une semblable immobilisation de capitaux. A la fin du lease, les terres, comme les chemins de fer, feraient retour à l’état, qui les louerait ou les concéderait à nouveau.