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gimens qui allaient se constituer dans quelqu’un des dépôts de l’Oder ou de la Vistule. Quelques bataillons de jeunes soldats et quatre pièces de canon composaient toute la garnison permanente de Cassel. Pourtant la fermentation était assez grande dans quelques parties du pays. A Cassel, le directeur de la ci-devant police électorale, Hassenpflug, défendit de circuler sans lanterne, à partir de neuf heures du soir, dans les rues de la capitale. Les anciens ministres durent adresser aux populations rurales des invitations à l’obéissance et au calme.

Le gouvernement impérial avait pensé qu’on pourrait se concilier l’ancienne armée hessoise en lui offrant du service dans les troupes de la France et de ses alliés. Pitcairn, général du roi de Hollande, ouvrit un bureau de recrutement pour l’armée néerlandaise. Napoléon prescrivit à Lagrange de lever, pour le compte du roi de Naples, un corps qui irait s’organiser à Haguenau. C’eût été s’assurer les services d’excellens militaires et en même temps enlever au pays un redoutable élément d’agitation[1]. Toutefois le moment était mal choisi pour demander des volontaires. Il était naturel que les anciens soldats de l’électeur voulussent attendre le résultat de ses dernières négociations avec Napoléon avant de se compromettre avec les nouveaux maîtres. Bien peu répondirent à l’appel de Pitcairn et de Lagrange. Celui-ci, attribuant à l’influence des officiers supérieurs le « mauvais esprit » de l’armée, prit le parti de les envoyer à Mayence. Comme cette mesure ne produisit pas d’effet, il se résolut à une démarche plus grave : il ordonna aux soldats de la ci-devant armée hessoise de se réunir dans leurs anciens cantonnemens avant le 25 décembre 1806; les récalcitrans devaient être fusillés.

Les soldats imaginèrent, non sans quelque apparence de raison, qu’on ne voulait les avoir sous la main que pour les incorporer de force ou les envoyer dans les forteresses. Tout le pays au midi de Cassel, dans les bassins de la Werra, de la Fulda, du Schwalm, de l’Eder, où ces militaires se trouvaient en grand nombre, se mit en insurrection. Les rares soldats qui se rendaient à l’appel de Lagrange furent arrêtés par des bandes de paysans armés. A Allendorf, sur la Werra, les soldats s’emparèrent des munitions et des armes qu’ils avaient livrées. A Eschwege, le régiment de Wurmb se reconstitua intégralement, sans même oublier sa musique. Les officiers supérieurs n’étaient plus là, les autres manquaient de courage ou d’initiative. Un simple fourrier, Jacob Schumann, prit le commandement. Les postes et les sentinelles furent placés comme

  1. « Mon principal but est de me défaire de ces gens-là. » — Correspondance de Napoléon Ier, t. XIII, p. 597.