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De l’amour d’une femme, on l’accuse d’avoir
Mis en oubli du roi l’honneur et le devoir.


Antérieurement aux vers de François Ier et de Baïf, et au chapitre de Brantôme, on ne trouve rien dans les écrivains du XVe siècle, rien dans les faits qui confirme le rôle patriotique d’Agnès. Les dates mêmes le démentent, car la guerre de la délivrance était commencée longtemps avant que Charles VII eût rencontré la femme poétisée par le vainqueur de Marignan, et le seul mérite que l’on puisse accorder à la dame de beauté, c’est d’avoir soutenu Jacques Cœur contre ses ennemis. Agnès n’avait rien fait pour le salut de la France. Les favorites de François Ier firent tout pour sa ruine. La comtesse de Chateaubriant compromet nos armes et notre politique en Italie par la protection toute-puissante dont elle couvre ses trois frères, Lautrec, Lescure et Lesparre. Elle fait donner à Lautrec le gouvernement du Milanais ; celui-ci, par son despotisme et ses pilleries, rend la domination française odieuse aux Italiens ; il se fait battre à la Bicoque, et malgré ses fautes il se maintient toujours en grâce, car sa sœur, dit Brantôme, « rabat tous les coups, » ce qui donne lieu à un dicton populaire : «Chateaubriant a perdu et défait Milan. » Lescure, aussi incapable que brave, est forcé, par suite de fausses manœuvres, de s’enfermer dans Crémone et s’y laisse prendre avec son armée. Lesparre fait couper la tête au marquis Pallavicini pour s’emparer de ses biens ; il attaque Reggio malgré la défense qui lui avait été faite de porter la guerre dans les états du pape, et par ce coup de tête il donne un prétexte à Léon X de se tourner contre la France. Le roi se montre très irrité ; mais, grâce à l’intervention de leur sœur, les trois frères finissent toujours par rentrer en faveur, et « tout se rhabille par l’amour, » excepté la fortune de nos armes.

D’Étampes succède à Chateaubriant, et trouve devant elle Diane de Poitiers, la favorite du dauphin Henri. Une lutte d’influence s’établit entre ces deux femmes et devient le pivot de la politique. D’Étampes soutient les réformés, Diane les catholiques. La cour, tiraillée par les deux tendances, flotte entre la persécution et la tolérance, et cette étrange situation, qui crée par la favorite du père et celle du fils deux gouvernemens dans l’état, se prolonge jusqu’en 1547.

Épuisé par les excès et frappé de mort par l’Avocate, François Ier marchait lentement vers la tombe. Diane allait régner sans partage. D’Étampes, par vengeance et par cupidité, vendit à l’Espagne ce royaume qui allait bientôt lui échapper. Le dauphin ayant été mis en 1541 à la tête d’une armée qui devait agir dans le midi et as-