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riens qui en ont tiré depuis lors tant de renseignemens nouveaux[1]. C’est ce contingent d’informations et de documens par rapport à Sixte-Quint que M. de Hübner fournit aujourd’hui à la curiosité publique. M. Ranke avait rapidement indiqué, à l’aide des archives vénitiennes, l’influence et le rôle de Sixte-Quint dans les grandes affaires de son temps. M. de Hübner a complété, agrandi même le tableau, à l’aide des archives espagnoles et des archives du Vatican dont le secours avait également manqué à l’historien de Berlin, et il a voulu contrôler ses découvertes sur ce point par un nouvel examen des correspondances vénitiennes[2]. M. de Hübner a ainsi trouvé dans les domaines de la diplomatie une lumière inattendue pour l’histoire de la papauté et l’homme d’état a éclairé l’écrivain. L’ouvrage de M. de Hübner offre donc ce caractère particulier que la partie politique en a été comme rédigée à nouveau, et complètement composée avec les correspondances diplomatiques. Le lecteur ne peut s’en plaindre, car il y rencontre à la fois un attirait fort piquant et une source d’instruction des plus assurées. Cependant je ne craindrai pas de dire que M. de Hübner a peut-être trop laissé à l’écart les témoignages contemporains étrangers à la diplomatie. Les imprimés lui présentaient moins de garantie sans doute que les manuscrits, et il les a négliges. Avec un critique si bien instruit et si parfaitement renseigné, la méthode avait peu d’inconvéniens; avec tout autre, elle en aurait eu davantage. Ainsi la compilation de Gomberville, connue sous le nom de Mémoires de Nevers, aurait ajouté quelques traits non à dédaigner pour le tableau du revirement de la politique romaine, relativement aux affaires de France, à l’avènement de Sixte-Quint; mais, quand M. de Hübner n’a pu vérifier un témoignage sur la minute, il s’en méfie. L’imprimerie du XVIe siècle, si passionnée, si asservie aux partis religieux ou politiques, lui est en défiance, et il a sujet de s’applaudir bien des fois de sa prudence à cet égard.

M. de Hübner, diplomate grave, habile et plein d’honneur, attribue avec raison une grande autorité aux renseignemens diplomatiques. Rien n’est plus digne de foi, dit-il, que les rapports des agens diplomatiques, tenus par les obligations de leur état, autant que par l’intérêt, à rendre un compte exact des faits qui se passent sous leurs yeux et des paroles qu’ils échangent avec les personnes

  1. Je ne citerai que les publications précieuses de M. Gachard, et les savantes études de M. Mignet sur Charles-Quint et Philippe II. M. Ranke a fait usage plus tard des archives de Simancas pour son Histoire de France au seizième siècle, mais principalement de la partie qui est restée à Paris dans nos archives nationales après les restitutions de 1814.
  2. Sur l’importance et l’intérêt des correspondances vénitiennes, voyez les deux curieux volumes publiés par M. Baschet en 1862 et en 1870.