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pareils, et l’histoire a dû attendre des siècles pour substituer progressivement la vérité pure aux inventions mensongères de la passion ou de la crédulité, en ce qui touche les actes accomplis par ce grand personnage. Une nouvelle fortune attendait Sixte-Quint à notre époque en lui donnant pour historien M. de Hübner, le judicieux diplomate étranger que notre littérature comptera désormais au nombre de ses estimables écrivains[1].

Au milieu de ce grand mouvement d’études historiques qui honore le XIXe siècle, l’histoire de la papauté devait avoir sa large part. A ne la considérer en effet qu’au point de vue de son influence positive sur le développement politique de la société chrétienne, la papauté certes a été la plus féconde institution des temps modernes, la plus persistante, et, à tout prendre, l’une des plus salutaires. Et cependant, malgré les apparentes limites de son action, que de faces diverses dans l’application de sa puissance! Les entraînemens, les passions, les intérêts de tout genre se sont croisés depuis dix-huit siècles sur son passage, et toutes les agitations de l’humanité ont réfléchi sur elle. Les empires ont disparu, les dynasties se sont éteintes, les peuples se sont transformés, superposés, confondus; elle seule est restée debout, suivant le cours du temps sans paraître en subir les atteintes, tout en éprouvant le contre-coup des révolutions multipliées de la société civilisée. Aussi l’histoire générale de la papauté, entreprise sérieusement et à nouveau, selon les conditions de la critique moderne, a-t-elle paru au-dessus des forces d’un seul homme; mais il n’en a point été de même des parties détachées de ce vaste tableau, qui ont tenté plus d’un esprit supérieur. Sans parler de W. Roscoe, qui dans les premières années de ce siècle (1805) publiait en Angleterre une Vie et pontificat de Léon X, dernier monument de l’école de Robertson, restée en possession de l’estime publique sans avoir épuisé le sujet, un esprit plus vigoureux, plus sagace, abondant en vues ingénieuses, M. Ranke, s’est exercé plus tard (1834-36) sur l’histoire de la papauté au XVIe siècle, et a ouvert une voie meilleure par la recherche de sources d’instruction inexplorées ou négligées jusqu’à lui, et par une direction d’esprit indépendante de toute tradition reçue. Vers la même époque (1834-42), un autre habile historien, M. Hurter, remontant du XVIe au XIIIe siècle, publiait son Histoire d’Innocent III, qui a eu tant de retentissement, qui a inspiré peut-être la remarquable Histoire de la lutte des papes et des empereurs de la maison de Souabe, par M. de Cherrier[2],

  1. Ce n’est que pour l’exactitude bibliographique qu’il sera fait ici mention de Sixte-Quint et son temps, par J. Lorentz, Mayence 1852, 1 vol. in-8o.
  2. Deuxième édition, Paris 1858, 3 vol. in-8o. — Voyez sur cet ouvrage une suite de sept articles critiques de M. Mignet, qui sont malheureusement restés renfermés dans le Journal des Savans.