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York de Wartenburg et les derniers soldats prussiens échappés d’Iéna. Le 7 novembre, il était prisonnier de Napoléon; le 10, il était duc de Brunswick par la mort de son père, duc sans duché. Il crut devoir à ce moment quitter le service de la Prusse, où il avait en quelque sorte grandi, où il avait successivement conquis tous ses grades, et vécut paisiblement à Bruchsal, près de Carlsruhe, chez le grand-duc de Bade, dont il avait épousé la fille Marie-Élisabeth. Il y perdit sa femme. Alors, plein de haine contre Napoléon, qu’il regardait comme le destructeur de sa maison, comme l’auteur de ses malheurs publics et privés, il fit en 1808 un voyage secret, sous un déguisement, dans ses états de Brunswick pour y visiter ses adhérens. Il devait y reparaître en 1809 les armes à la main.

Les trois frères aînés, Charles, George et Auguste n’étaient pas de la même trempe. L’aîné mourut deux mois avant son père; les deux autres, faibles de corps et d’esprit, laissèrent passer au duc d’OEls tous leurs droits sur un trône qui était à reconquérir. Le 1er janvier 1808, George écrivit au roi Jérôme une lettre humble et résignée jusqu’à l’adulation pour lui demander l’autorisation de rentrer dans le Brunswick.


« ... Cette grâce de votre majesté me serait d’autant plus précieuse que mon expatriation m’est rendue plus pénible encore par le malheur que j’ai d’être aveugle depuis plusieurs années, et que mon plus vif désir est de finir mes jours dans ma patrie en simple particulier... J’ai attendu l’heureux moment de l’arrivée de votre majesté dans ses états pour mettre à ses pieds ma respectueuse demande et pour lui offrir en même temps mes félicitations sur son avènement au trône et mes vœux les plus ardens pour la conservation de sa personne sacrée, ainsi que pour la prospérité de son illustre maison...[1] »


Napoléon, à qui son frère communiqua cette lettre princière, répondit simplement :


« Je pense que vous ne devez rien répondre à ce prince, puisqu’il n’a pas mis dans sa lettre le mot sujet, et que vous ne devez reconnaître à Brunswick que des sujets. »


La paix de Tilsit vint consacrer la dépossession des maisons de Hesse, de Brunswick et d’Orange, en stipulant toutefois au profit de leurs chefs une rente viagère. Il n’était pas indifférent, pour bien comprendre les affaires du royaume de Westphalie, de rappeler à quels gouvernemens et à quels souverains succédait le roi Jérôme

  1. Mémoires et Correspondance du roi Jérôme, t. III, p. 238.