Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 100.djvu/948

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Hussein-Avni-Pacha, l’ancien président du conseil d’état Namik-Pacha, Haidar-Effendi, qui avait été ambassadeur à Vienne, puis préfet à Constantinople. Quant à ses collègues dans son propre ministère, il les changeait et les remplaçait incessamment selon son humeur ou selon son intérêt. Son unique préoccupation était d’avoir auprès de lui des créatures pour lui obéir et de faire le vide auprès du sultan. À vrai dire, Mahmoud-Pacha a passé ces dix mois à exercer l’arbitraire asiatique le plus absolu, poursuivant les hommes qui l’inquiétaient, supprimant les journaux dont il redoutait les indiscrétions, désorganisant tout, intervenant jusque dans les affaires de l’église bulgare et de l’église arménienne pour les troubler. Seulement il n’a pas vu que même en Turquie l’opinion commençait à être quelque chose, que les mécontentemens qu’il provoquait, jusque parmi les musulmans se redresseraient contre lui, et que le sultan, éclairé un jour ou l’autre d’une lueur de vérité, pourrait bien le laisser retomber, comme il l’avait élevé. C’est ce qui est arrivé, Mahmoud-Pacha, se croyant tout-puissant, a voulu trop triompher, et en cherchant à se débarrasser de son dernier rival, Midhat-Pacha, il a rencontré justement celui qui a été tout à la fois l’instrument de sa chute et son successeur. Tout cela s’est passé un peu à la façon d’un imbroglio oriental.

Quels ressorts secrets ont été mis en jeu ? Comment le sultan Abdul-Aziz s’est-il laissé détacher subitement du grand-vizir auquel la veille encore il prodiguait ses faveurs, pour aller chercher Midhat-Pacha, qu’on avait envoyé par une disgrâce mal déguisée comme gouverneur à Bagdad ? Les mystères du sérail ne sont pas faciles à pénétrer. Ce qui est certain, c’est que, même dans son exil de Bagdad, Midhat-Pacha restait un personnage important, considéré comme un des premiers hommes de la Turquie, représentant les traditions de lumière et de progrès de l’administration d’Aali-Pacha, et au fond bien vu du sultan lui-même. Il avait donné un certain éclat à son gouvernement de Bagdad, lorsque récemment, soit par raison de santé, soit par dégoût, il donnait sa démission en annonçant son retour à Constantinople, — il était même déjà parti et était arrivé à Alep. Ce n’était pas l’affaire de Mahmoud, qui redoutait en lui un compétiteur dangereux, et qui s’empressait de l’arrêter par le télégraphe en lui expédiant l’ordre de se rendre provisoirement à Angora ; mais c’est ici que l’intrigue turque se complique. Malgré tous les efforts de Mahmoud, Midhat-Pacha avait pu conserver des rapports directs avec le sultan ; il s’est servi de ce moyen pour se faire autoriser par le souverain à se rendre à Constantinople, et il a réussi. Une fois à Constantinople, il avait assez de crédit et il était assez habile pour soutenir la lutte au besoin. Mahmoud aurait peut-être consenti à partager avec lui le pouvoir, et, en fin de compte, au lieu de l’envoyer à Angora, il l’a nommé gouverneur d’Andrinople. Midhat-Pacha s’est laissé nommer, il a eu l’air de se disposer à partir, il