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patriotisme n’abdique jamais ; il est respectable, même lorsqu’il s’égare, et toujours disposé à ne voir dans les actes que ce qui le blesse ou seulement l’effleure. Comment ne pas ajouter que dans notre pays plus qu’en aucun autre, et dans ce moment plus que jamais, l’appréciation des faits politiques risque d’être faussée par l’esprit de parti ? Les patriotes impatiens auraient voulu que la nouvelle convention leur annonçât la libération complète et immédiate du sol français, et ils ont éprouvé une déception lorsqu’ils ont cru voir qu’il ne s’agissait en apparence que d’un règlement de procédure. D’un autre côté, la critique s’est exercée contre les clauses qui semblaient impliquer une prolongation de l’occupation allemande, alors que certains défenseurs du gouvernement, dépassant le but, prétendaient recommander comme un triomphe diplomatique le résultat des négociations de Versailles. A notre sens, le traité du 29 juin a été ce qu’il devait et pouvait être. Le gouvernement, qui l’a présenté en termes modestes à l’examen de l’assemblée nationale, la commission, qui en a simplement proposé l’adoption, et l’assemblée, qui l’a voté sans phrases, se sont tenus dans la mesure qui convenait à nos intérêts et à notre dignité. Les objections n’en subsistent pas moins, et il est toujours opportun de les apprécier, car elles intéressent l’ensemble des négociations qui demeurent ouvertes entre la France et l’Allemagne, et, si l’on peut démontrer qu’elles sont mal fondées, les conventions ultérieures seront rendues plus faciles en même temps que le pays aura plus de confiance dans la conduite de nos affaires diplomatiques. Passons donc en revue ces objections.

Le premier sujet de critique, c’est la disposition qui semble retarder jusqu’en 1875 l’évacuation complète fixée par le traité de Francfort au 1er mars 1874, sous la condition du paiement intégrai de l’indemnité de guerre. En second lieu, l’on se plaint que nos négociateurs n’aient pas obtenu la diminution de l’effectif de l’armée d’occupation et que les deux départemens de la Meuse et de la Meurthe avec Belfort soient condamnés à subir, pendant un délai qui peut se prolonger toute une année, le casernement de 50,000 Allemands.

La prolongation de durée pour l’occupation du territoire n’est qu’apparente. En réalité, si la France était en mesure de payer dès demain les 3 milliards qu’elle doit encore à l’Allemagne, elle pourrait, en prévenant un mois à l’avance, user de la faculté d’anticipation et libérer complètement son territoire. Ce droit, qui n’était point défini en termes suffisamment nets dans les préliminaires de paix ni dans le traité die Francfort, lui est reconnu expressément par le traité de Versailles, de telle sorte que la clause dont il est