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fut originairement. La vie, sous ce rapport, est comparable aux nébuleuses stellaires qui se forment et se condensent peu à peu : comme celles-ci, elle possède des annales et doit aboutir à un dénoûment final. Si pour elle, comme pour les nébuleuses, la terminaison future de sa destinée se cache au fond de l’avenir, nous pouvons du moins nous rendre compte de ce qu’elle a été dans un âge relativement voisin de ses premiers commencemens.

I.

La vie est consciente ou inconsciente, sensible ou insensible ; elle montre tous les passages depuis le moi le plus explicite, qui est celui de la personnalité humaine, jusqu’à l’insensibilité la plus absolue, celle du lichen attaché à la pierre. À tous les degrés de cette échelle immense, la vie possède toujours des parties élémentaires qui jouissent, soit isolément, soit en s’agrégeant entre elles, de la double faculté de se nourrir et de se reproduire. C’est pour s’entretenir, s’accroître et se prolonger que la vie emprunte à la nature brute les matériaux dont elle use, et qu’elle garde plus ou moins longtemps en les soumettant à une action particulière. Toutefois les rouages qu’elle met en mouvement ne semblent se perfectionner chez les êtres supérieurs qu’à la condition de devenir plus complexes et par cela même plus délicats.

Laissons de côté le vaste champ dont la physiologie a fait son domaine, mais insistons sur les procédés de la vie organique. Là, toute partie correspondant à une fonction constitue un organe, toute réunion d’organes concourant à un but commun constitue un corps ; chaque corps est un atelier spécial, un centre limité et particularisé, ou autrement un individu. La vie se manifeste au moyen des individus, elle n’existe que par eux, elle naît et meurt avec eux ; mais chaque individu vivant est toujours le prolongement d’un individu antérieur, et souvent aussi le point de départ de nouveaux individus. De là une chaîne dont les anneaux sont reliés entre eux par d’innombrables connexions, mais non sans une foule de lacunes et d’irrégularités. La vie est tout à la fois une et multiple : multiple par les individus qui la représentent, et revêtant par eux une quantité immense de formes simultanées ou successives, une à cause des liens qui réunissent les séries individuelles et les rattachent en définitive à une souche ou type commun d’où il semble que toutes soient originairement dérivées. Unité et pluralité, tels sont les deux grands caractères des manifestations de la vie.

La pluralité s’accuse par les dissemblances de toute sorte qui séparent les êtres vivans. — La terre, on le sait, n’a jamais pos-