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ces derniers temps, je n’avais pas qualité pour intervenir. Jeudi dernier, le roi m’a fait appeler, j’ai obéi ; ses ministres étaient près de lui, et là j’ai reçu du roi, j’ai reçu de la confiance et de l’amitié de mes collègues, l’honorable mission d’imprimer au cabinet, autant qu’il dépendrait de moi, cet ensemble, cette unité de vues, de principes et de conduite sans laquelle la vraie responsabilité ministérielle, la responsabilité collective ne devient qu’un vain mot, et qui fait la force et la dignité des gouvernemens. J’ai cru que des chances raisonnables de succès existaient pour un tel dessein. Si, comme je l’espère, la majorité adopte et soutient le ministère dont j’ai l’honneur d’être le chef, il remplira toutes les conditions d’un gouvernement parlementaire. S’il devait succomber, il succomberait avec honneur, en défendant ses principes et ses amis. »

Cette attitude et ce langage eurent la pleine approbation de la chambre, et bientôt les actes répondirent aux paroles. Plusieurs lois importantes, entre autres la loi pour le classement et l’exécution des chemins vicinaux, furent présentées, discutées et votées. Reproduite devant la nouvelle chambre, la question de l’indemnité due aux États-Unis d’Amérique y reçut la solution favorable qu’appelaient la justice, les bons rapports des deux nations et l’honneur du duc de Broglie lui-même. D’utiles réformes administratives et une grande enquête commerciale, entreprise en 1834 par M. Duchâtel pour rechercher, par l’étude précise des faits, quelles seraient les conséquences de la levée de prohibitions douanières, et à quelles conditions elles pourraient être abolies, furent efficacement poursuivies. Les affaires privées reprenaient dans le pays leur activité régulière et prospère en même temps que les travaux du gouvernement. Ce n’était pas au sein du cabinet et par les imperfections ou les fautes du régime parlementaire, mais par l’hostilité acharnée de l’esprit révolutionnaire que devaient renaître les troubles et les périls. Découragées par leur insuccès et par la persévérance aussi énergique que modérée de la cour des pairs à en faire justice, les insurrections avaient cessé ; mais les projets et les tentatives d’assassinat en prenaient la place, on en parlait, on les annonçait avec une audace cynique. Le roi devait passer, le 28 juillet, une grande revue de la garde nationale ; pendant les jours précédens, les journaux du parti étalèrent effrontément leurs espérances. « On parie, disaient-ils, pour l’éclipse totale du Napoléon de la paix ; — hier le roi citoyen est venu à Paris avec sa superbe famille sans être aucunement assassiné ; — peut-être est-ce à la fête des vivans qu’il est réservé, par compensation de nous offrir le spectacle d’un enterrement. » Et le 28 juillet même de jeunes révolutionnaires voyageant en Suisse inscrivaient sur un registre d’auberge les