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à tabatière en mauvais état, on ne l’envoyait dans les forts qu’à la dernière heure ; la garde nationale de la même ville, dont les habitans demandaient la formation dès le 18 juillet, n’est constituée que le 7 août ; les ouvrages de défense de la place ne sont pas même terminés, et l’on travaille encore à la construction des forts. Aussi la nouvelle du triple échec subi à Wissembourg, à Forbach, à Wœrth, la menace de l’arrivée prochaine des Prussieus sous les murs de Metz, répandirent-elles la consternation dans l’entourage de l’empereur : il fut même question d’un départ immédiat pour Châlons, déjà des voitures chargées des bagages de la maison impériale avaient pris la route de la gare ; mais les incertitudes et les hésitations des jours précédens faisaient prévoir que la décision prise serait bientôt suivie d’une décision contraire. En effet, le 7, on était décidé à partir ; le 8, on ne partait plus. Il est vrai que le 13 on revenait à la résolution abandonnée le 7, et que l’armée recevait l’ordre de se mettre en marche le lendemain à cinq heures du matin.

Dans l’intervalle, le commandement venait de changer de main ; l’empereur avait donné satisfaction aux soldats et au pays en acceptant la démission du maréchal Leboeuf, en nommant le maréchal Bazaine commandant en chef de l’armée du Rhin. Cette nomination, on ne doit pas l’oublier, était généralement désirée, et fut accueillie presque partout avec une grande faveur. L’opinion publique désignait le nouveau chef de l’armée comme le plus habile de nos généraux, le plus capable surtout de diriger sur un champ de bataille de grandes opérations. Peut-être exagérait-on alors des mérites réels sans doute, mais que faisait ressortir plus qu’il n’eût fallu l’insuffisance trop visible de quelques autres chefs ; peut-être aussi ajoutions-nous aux qualités sérieuses du maréchal Bazaine toutes celles que lui attribuaient nos espérances. Il est d’ailleurs certain que, dans les retours de l’opinion, le commandant en chef de l’armée du Rhin a porté la peine de la confiance irréfléchie qu’avait inspirée son nom au début de la campagne. On doit également tenir compte au maréchal Bazaine des difficultés que lui léguait l’empereur en lui confiant le commandement. On le plaçait à la tête de l’armée lorsque tout était compromis, et la rapidité de l’invasion ne lui laissait que deux jours pour se reconnaître, pour réparer les fautes commises. Nommé le 12 août, gêné le 13 pour l’exécution de ses ordres par la présence et les velléités personnelles de l’empereur, il était attaqué et forcé de combattre dès le 14.

Ce jour-là, il eût été possible de signaler déjà dans le commandement des symptômes d’hésitation et d’embarras, dus peut-être à la gravité des circonstances, mais de nature à compromettre le