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proposition du préfet, atteignait un chiffre presque égal à celui du budget de l’une des puissances de l’Europe, 496 millions. De 1800 à 1866, date du dernier recensement officiel, la population s’était élevée de 540,000 habitans à plus de 1,800,000, et, avec un accroissement moyen de 30,000 par an, à plus de 2 millions en 1870. Tandis qu’en 1815, faisant pour la première fois usage de l’emprunt par souscription, l’administration municipale ne trouvait qu’avec peine à placer à 60 fr. 200,000 fr. de rente 5 pour 100, en 1869 elle émettait à 345 francs des obligations rapportant 12 francs d’intérêt, et, quand elle n’en offrait que 750,000 à la souscription, rencontrait des preneurs pour 27 millions de titres. L’octroi témoigne des vicissitudes de la consommation, il est en quelque sorte la mesure de l’aisance publique ; eh bien ! sans taxes nouvelles, le produit de l’octroi, qui ne dépassait pas 9 millions en 1800, atteignait 74 millions en 1866, et était estimé à 110 millions dans le budget de 1870. Que l’on se rappelle encore les merveilles de l’industrie parisienne qui figurèrent à notre dernière exposition, que l’on calcule l’élévation de tous les salaires, en particulier du prix de la main-d’œuvre de la construction, en même temps que la plus-value des maisons et des terrains, et l’on conviendra que c’est à l’apogée de la prospérité que Paris a été frappé d’un de ces coups terribles qui sont la leçon des peuples. Quel temps d’arrêt cette fortune doit-elle subir ? quelle conduite s’impose à la sagesse de la nouvelle administration municipale ? Les chiffres qui suivent peuvent nous l’apprendre.


I

La loi du 18 avril 1869, qui avait conféré au corps législatif le soin de régler le budget extraordinaire de la ville de Paris, faisait à la commission chargée de l’examen du budget de 1870 plutôt un devoir de liquider le passé que de préparer les ressources pour la continuation d’une œuvre dont l’auteur principal et l’instrument avaient été brisés à la fois. En même temps que M. Haussmann cessait d’être le préfet de la Seine, la caisse des travaux entrait en liquidation. On se le rappelle, ce fut à propos des bons de délégation sur les revenus futurs de la ville remis aux entrepreneurs, et dont le Crédit foncier devint escompteur jusqu’à concurrence de 465 millions, que le gouvernement résolut de restreindre l’omnipotence du préfet de la Seine, et de soumettre au corps législatif les dépenses qui présentent un caractère exceptionnel et spécial, c’est-à-dire, en langage administratif, extraordinaire. Quant à la caisse des travaux, le rapporteur de la commission, M. Le Pelletier d’Aulnay, n’eut pas de peine à montrer comment cette caisse, par ses