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proximatif de 450 millions, s’opère par les mêmes voies, Hong-kong étant l’intermédiaire des ports de la rivière de Canton, et Shang-haï jouant le même rôle par rapport au Yang-tse-kiang et aux provinces du nord. Les deux élémens principaux en sont le thé pour 75 millions de kilogrammes, valant 270 millions de francs, et la soie pour 2 millions 1/2 de kilogrammes, valant 120 millions. Or, soit à l’entrée, soit à la sortie, les sept huitièmes de ces marchandises sont en provenance ou à destination de l’Angleterre et de ses colonies. La culture de l’opium, dont la Chine est le débouché presque unique, fait la prospérité du Bengale, et contribue pour une large part au budget des recettes de l’Inde anglaise. L’îlot de Hong-kong, qui est, comme on sait, une colonie anglaise, est le centre des opérations commerciales de l’extrême Orient, la tête de ligne des paquebots à vapeur et des services postaux, le port de relâche des navires qui font l’intercourse entre l’Asie et l’Europe ou l’Amérique. De plus ce grand marché de la Chine, qui vend et achète chaque année pour plus de 1 milliard de marchandises, se développe avec une rapidité merveilleuse, et se développera de plus en plus à mesure que les populations de l’intérieur viendront prendre part à un trafic dont les habitans du littoral ont presque seuls profité jusqu’à ce jour. Ces raisons ne suffisent-elles pas à expliquer que le cabinet de Londres s’occupe avec une sollicitude particulière des intérêts de ses nationaux dans l’Asie orientale?

Depuis plusieurs années, les marchands de Shang-haï et de Hong-kong se plaignaient que les dispositions protectrices du traité de Tien-tsin fussent éludées par les autorités provinciales. Ainsi chaque balle de soie exportée n’aurait dû payer au trésor impérial qu’un droit de 10 taëls, soit 80 francs ; mais les collecteurs d’impôts frappaient cette marchandise d’une redevance foncière sur le lieu de production, puis ils l’atteignaient encore dans son voyage au port d’embarquement sous forme d’octroi des villes, de douanes provinciales et de taxes de transit, si bien que le droit prévu par le traité se trouvait quadruplé. De même à l’importation, le paiement à la douane impériale des droits d’entrée ne dispensait pas les marchandises introduites d’être taxées derechef par chacune des lignes de douanes intérieures qu’elles traversaient jusqu’au lieu de consommation. En outre, faute d’être autorisée à acheter le thé dans les districts où s’en fait la récolte, les négocians étrangers qui recevaient cette denrée de seconde main se disaient incapables d’empêcher les mélanges frauduleux et nuisibles. La libre circulation des étrangers à l’intérieur de l’empire était sans contredit affaire de mœurs plutôt que de règlement; quant à l’abolition des taxes locales, on pouvait prévoir que cette concession ne s’obtiendrait pas sans peine. Chaque