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des-Champs contre l’odieuse profanation de l’église, et se livre aux plus furibondes invectives contre le clergé catholique, qu’il accuse de lâcheté, de mensonge, d’exploitation du peuple. L’enthousiasme de l’assemblée tient du délire. J’entends encore des dénonciations passionnées contre les fournisseurs de l’armée, et la foule de rugir : « À mort ! à mort ! » Chaque discours se termine par un cri formidable de « vive la commune ! » qui roule sous ses voûtes gothiques. C’est de cette façon que les communeux entendaient la séparation de l’église et de l’état.

Ils donnèrent une autre preuve touchante de leur respect des consciences en s’emparant de l’église de Sainte-Geneviève pour la dédier à la mémoire de Marat. À cette occasion fut célébrée une grande solennité démagogique. On abattit la croix qui surmontait le fronton pour hisser à sa place, au bruit du canon, le drapeau rouge pendant que les gardes nationaux de l’arrondissement défilaient triomphalement, musique en tête, devant le sinistre oripeau.

Le temps de ces tristes parodies devait bientôt passer ; deux jours après, le dimanche 3 avril, l’action militaire s’engageait de la façon la plus sérieuse. Il ne rentre pas dans mon plan de retracer les opérations de cette guerre impie. Les malheureux fédérés y ont parfois déployé un courage digne d’une meilleure cause. Constamment trompés par leurs chefs, qui ont porté le mensonge des bulletins jusqu’à la dernière impudence, ils ont toujours fini par crier à la trahison, parce qu’ils étaient toujours battus par l’armée, qui se reformait et se fortifiait chaque jour. Quand les hostilités eurent commencé par le meurtre d’un major parlementaire, ce fut le mensonge qui traîna la garde nationale à la folle entreprise sur Versailles. Il fallut le canon du Mont-Valérien pour lui apprendre que le fort ne lui appartenait pas. Elle revint furieuse, voulant massacrer plusieurs de ses officiers. Après le mensonge des bulletins, nous eûmes ce qu’on peut appeler le mensonge de la poudre, le fracas inutile de l’artillerie pour faire croire à une action considérable, comme dans la soirée du 8 avril.

Les premiers généraux nommés par la commune étaient aussi ridicules que ces ducs de la Cassonade et de la Marmelade qui égayèrent nos pères lors de la révolte de Saint-Domingue ; ils sortaient de la lie démagogique, et, comme le faubourien Rossignol, ils conduisaient leurs troupes à la défaite « majestueusement et en masse. » Dombrowski et La Cécilia montrèrent plus d’habileté et de courage. Cluseret déploya une activité infatigable qui mit un peu d’ordre dans ce chaos, mais sans en triompher. L’armée régulière marchait toujours en avant, et s’emparait de toutes les avancées. Cependant on ne peut méconnaître que la résistance des fédérés n’ait été souvent très énergique. Des hommes d’une héroïque bra-