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des déficits plus ou moins considérables. Ce sont les ressources des mauvais jours, et à ce titre on peut se demander si on ne doit pas les faire concourir pour leur part dans les charges immenses en présence desquelles nous sommes. La prudence ne le conseille point, ni même l’équité ; non que les impôts directs soient aujourd’hui a un taux excessif et qu’on n’y puisse rien ajouter, tant s’en faut. La propriété foncière par exemple est moins grevée qu’en 1791. Elle fut imposée alors à 240 millions, ce qui représentait le cinquième du revenu, évalué à 1,200 millions ; elle ne paie plus maintenant que 172 millions, un tiers en moins ; cependant la valeur en a plus que doublé et le revenu dépasse 3 milliards. Elle n’a donc pas à se plaindre ; elle n’est pas trop maltraitée par notre système financier. Avec les centimes additionnels, qui profitent exclusivement aux localités qui les supportent, elle ne paie guère plus d’impôts qu’en 1791.

Quant à la taxe mobilière, la base en est généralement très incertaine, peu juste et peu en rapport avec les fortunes qu’on veut atteindre ; mais le taux n’en est pas trop élevé. De même pour la taxe des portes et fenêtres, qui est modérée. Il y aurait plus à dire contre le droit de patente ; c’est le plus inégal de tous les impôts directs, celui qui repose sur les évaluations les plus arbitraires. Néanmoins, si on le considère dans son ensemble, en dehors de quelques applications particulières, qui peuvent être iniques, il n’atteint pas un chiffre exorbitant, eu égard à la richesse à laquelle il s’adresse. Il figure en principal pour 68 millions au budget de 1871, et, si on y ajoute la part des centimes additionnels, il monte à 85 millions ; c’est une somme relativement peu considérable par rapport aux bénéfices du commerce et de l’industrie, qui s’élèvent bien à 6 ou 7 milliards. Malgré cela, nous le répétons, il n’est ni prudent ni juste de frapper d’une surtaxe les quatre contributions directes. D’abord ce sont celles qu’on sent le plus vivement ; elles sont pénibles en tout temps, et plus encore dans les momens de crise. On peut bien échapper à l’impôt indirect en ne consommant pas, ou bien on le paie par fractions si minimes, qu’on ne s’en aperçoit guère. On n’échappe pas à l’impôt direct, il faut le payer quand même, et, si dans les circonstances difficiles il se trouvait encore surchargé, ce serait comme un poids qu’on rendrait plus lourd à mesure que les forces pour le supporter diminueraient. Le souvenir de 1848, de l’immense impopularité des 45 centimes, doit nous servir de leçon et nous rendre très circonspects sur ce point. L’impôt direct étant la ressource des mauvais jours, c’est une raison pour le ménager et le maintenir à un taux modéré, afin que la perception en soit plus facile. En outre, au point de vue éco-