Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 92.djvu/525

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lement à l’histoire naturelle, c’est-à-dire à une branche de science étrangère à celle dont il s’était particulièrement occupé jusqu’alors. Les premières lignes de la lettre dans laquelle il annonça quelques mois plus tard à Campi la découverte du gaz des marais portent l’empreinte des préoccupations qui ne l’avaient pas quitté depuis leur rencontre. « Vous vous souvenez, dit-il, des dissertations et des conjectures sans fin que nous avons faites sur la question si intéressante et de plus en plus merveilleuse de la diversité des espèces d’air et particulièrement de celui que vous avez découvert sur les bords du Lambron[1]. » Il lui rappelle le projet qu’ils avaient formé d’étudier de concert la nature de l’air inflammable de cette localité, le sol du lieu de dégagement et l’eau traversée par les bulles ; il lui exprime en termes touchans le chagrin qu’il avait eu plus tard d’être obligé de renoncer à sa collaboration et à l’excursion qu’ils avaient le dessein d’exécuter ensemble ; enfin il lui annonce, avec une modestie égale à sa science, que les idées qui lui ont été suggérées dans leurs conversations l’ont amené, avec moins de dépenses et de difficultés qu’il ne le croyait, à des résultats inattendus et non moins remarquables que ceux qu’ils avaient espérés. Il s’agit en effet de la découverte du gaz des marais. « Que direz-vous, dit Volta, si je vous apprends que j’ai trouvé et recueilli de l’air inflammable en d’autres points que ceux où je me proposais d’aller dans le courant de l’automne, et même très près de ma maison, — si je vous dis que partout où je me trouve, que j’aille à droite ou à gauche, j’ai toujours bien peu de pas à faire pour cela, car la terre et l’eau me fournissent de l’air inflammable, bel et bien préparé, en telle quantité que je le désire ? » Il raconte ensuite que, dans tous les endroits fangeux, il suffit d’agiter la vase avec un bâton pour obtenir un dégagement de bulles que l’on peut recueillir facilement en plaçant au-dessus un flacon plein d’eau et renversé de telle sorte que le goulot soit immergé. Il a fréquemment rapporté chez lui des flacons ainsi remplis de gaz, en ayant la précaution de les boucher hermétiquement ; puis une fois rentré dans son laboratoire, il a débouché les

  1. Pour désigner le lieu du dégagement de gaz naturel, Volta emprunte à Redi les vers suivans, dont la grâce ne pourrait être que bien incomplètement reproduite par une traduction française, et dont le parfum littéraire n’ôte rien à la haute valeur scientifique du mémoire en tête duquel ils sont écrits. Le lieu du dégagement est, dit Volta, voisin
    « Del bel colle
    Cui baccia il Lambro il piede,
    Ed a cui Columbano il nome diede
    Ove le viti in lascivotti intrichi
    Sposate sono in vece d’olmi a fichi. »
    (Redi Ditir.)