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LA


GUERRE EN PROVINCE


PENDANT LE SIÉGE DE PARIS




I.

Dans ce complet isolement où Paris s’est vu réduire au mois de septembre dernier, l’imagination des nouvellistes s’est efforcée de suppléer aux informations du dehors. Que d’appréciations hasardées, de récits aventureux, de jugemens téméraires, ont rempli les journaux de la capitale pendant ces longs mois de siège ! Des espérances exagérées, suivies, comme toujours, de déceptions cruelles et d’injustes reproches, ont été le produit de cette séquestration prolongée de 2 millions d’hommes. Aussi importe-t-il de retracer le tableau réel des efforts tentés et des combats soutenus par la province. Ce n’est assurément ni le patriotisme ni la persévérance qui lui ont manqué. Dans les vingt batailles rangées qui ont ensanglanté les plaines de la Beauce, les vallons du Maine, les hauteurs de la Picardie et de l’Artois, les montagnes de la Franche-Comté, nos armées improvisées, revenant toujours à la charge, ont perdu plus de 60 000 hommes par le fer ou le feu de l’ennemi, sans compter le nombre bien plus grand encore des victimes du froid, de la faim et des fatigues d’une campagne d’hiver ! Hélas ! dans les guerres modernes, le dévoûment des masses ne suffit pas, quoi qu’on en dise, à donner la victoire ; il faut d’autres élémens, d’une possession moins méritoire peut-être, mais d’une acquisition plus lente, et qui ont manqué presque entièrement à nos recrues depuis la catastrophe de Sedan.

Nous n’avons pas la prétention de juger au point de vue poli-