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pénalités à introduire dans le code militaire pour la violation de la convention. Sans doute la neutralité ne peut pas être complète dans une ville assiégée ; pendant le blocus de Paris, toutes les maisons marquées d’une croix ne peuvent pas par exception recevoir des vivres et ne pas recevoir des bombes ; mais déjà, grâce à la convention de Genève, une armée en retraite peut laisser sans crainte ses blessés dans les ambulances et les hôpitaux, le personnel peut y rester à son poste sans être prisonnier, les habitans sont encouragés à recueillir les blessés, qui leur servent de sauvegarde, les blessés sont relevés, soignés et renvoyés après guérison, quelle que soit leur nationalité. Dans une ville assiégée, les dépôts de malades peuvent être disséminés de manière à éviter les affreux périls de l’encombrement. Un colonel anglais peut traverser les lignes prussiennes pour apporter un demi-million à nos blessés, et le signe de la croix rappelle à tous les hommes que, même sous la mitraille, ils sont du même sang. Une convention qui produit de tels effets mérite de prendre place dans le code international à côté des articles de 1856 votés au congrès de Paris sur la neutralité maritime, et de la convention signée à Saint-Pétersbourg le 15 novembre 1868, pour interdire l’usage des balles explosives. Ce sont trois victoires du droit sur la force, de la douceur sur la brutalité, de la conservation sur la destruction.

Quant aux sociétés de secours, elles ne sont pas sans défaut ; les tâtonnemens de leurs débuts, les imperfections de leur matériel, les abus de leurs immunités, prêtent à la critique. Les croix rouges servent de paratonnerre à quelques maisons que n’habite pas l’ardeur désintéressée du patriotisme, et elles tiennent sur trop de bras la place du fusil. On voit jusque sur le champ de bataille des empressemens suspects, et il a fallu que le gouverneur de Paris prit un arrêté pour empêcher la confusion des voitures en quête de blessés ; mais tous ces abus sont bien petits, et ils ne peuvent en rien diminuer l’admiration que mérite l’explosion de la fraternité patriotique en faveur des victimes de la guerre. Entrez dans les ambulances, allez suivre au Palais de l’Industrie la visite du docteur Nélaton, suivez à l’École des ponts et chaussées le docteur Desmarquais et le docteur Ricord, entrez au corps législatif pendant les opérations du docteur, Mosetig et les consultations du docteur Mundy, assistez aux séances des membres du comité des visiteurs à l’Elysée, faites-vous conduire à l’ambulance établie par la presse au collège des Irlandais, par les jésuites à Vaugirard, par les sociétés protestantes au collège Chaptal, par M. Jules Favre dans les salons où M. de Gramont commentait ses dépêches, — de telles visites imposent silence à toutes les critiques, et nul ne sort de ces