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laquelle on mettait une souris. Quand l’hélice avait fini de tourner, la cage cessait de monter et d’avancer, et retombait à terre d’elle-même par son propre poids. Si à ce moment l’on avait pu redonner une nouvelle tension à l’hélice, le mouvement d’élévation verticale et de progression horizontale de l’appareil eût continué, et cela tant que la force initiale aurait été maintenue et ravivée. Le problème semblait donc résolu. Cependant les fonds pour la construction d’un grand appareil établi d’après le modèle en miniature que nous venons de faire connaître ne purent être réunis, et la société instituée pour mener à bien la navigation aérienne en partant des véritables données qui doivent présider à ce genre de recherches s’est dissoute sans avoir passé de la théorie à la pratique.

Le siège de Paris est venu donner une impulsion nouvelle à toutes les expériences, à toutes recherches aérostatiques, et a remis en branle la légion des chercheurs de navires aériens, légion infinie, et qui ne s’était, paraît-il, que momentanément endormie. À cette heure, on construit des navires aériens dirigeables dans plusieurs gares, dans plusieurs ateliers de Paris. La gare de l’Ouest par exemple a prêté quelques-unes de ses salles à l’un de ces inventeurs, et l’usine Cail en a aussi accueilli un, M. Vert, dans une partie de ses ateliers inoccupés. Le public a même été admis à quelques expériences. On a pu voir un moment au boulevard des Italiens fonctionner en miniature l’appareil de M. Vert. Un petit ballon en baudruche, ayant l’aspect d’un poisson, muni à l’arrière d’une hélice et d’une voile triangulaire en forme de gouvernail, évoluait dans l’air tout autour d’une vaste salle, par le moyen d’un ressort, au grand ébahissement des spectateurs ; mais ce que l’inventeur oubliait de dire, c’est que l’appareil naviguait dans un air absolument calme, et que le moindre courant, même celui produit par l’haleine des spectateurs, s’ils s’étaient mis tous à souffler, aurait troublé singulièrement la marche de l’appareil. Le démonstrateur se gardait bien de dire cela ; seulement il parlait, avec un navire aérien de ce modèle, d’aller projeter des bombes au picrate sur le dos de l’armée prussienne, et les gros sous pleuvaient dans le tronc pour aider à la confection de l’aérostat militaire dirigeable. C’était au commencement du siège de Paris ; bientôt on apprit que l’aéronaute au picrate, quelque peu secouru par le gouvernement de la défense, construisait un grand appareil à l’usine Cail.

C’est sur ces entrefaites qu’un membre de l’Institut, un de nos constructeurs de navires les plus experts, bu Dupuy de Lôme, s’est décidé à chercher la solution du problème. Il n’a fallu pour cela pas moins que l’importance donnée à cette question par le blocus de Paris. Ici nous avons affaire à un véritable savant, à un praticien