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ballon est moindre, si l’enveloppe et les agrès sont en bon état, enfin si le pilote sait garder son sang-froid. La soupape qui ferme le ballon à la partie supérieure est aussi un appareil de sûreté qu’il faut savoir employer. Elle sert à introduire de l’air dans l’intérieur de l’enveloppe, et se manœuvre par une corde qui traverse l’aérostat et descend par l’appendice jusque dans la nacelle. Monte-t-on trop haut, craint-on une déchirure par suite d’une trop rapide expansion du gaz à laquelle ne répond pas suffisamment l’ouverture restée libre de l’appendice, veut-on enfin amortir une chute trop accélérée en dépit du jet du lest, on ouvre la soupape, l’air entre, le gaz plus léger s’échappe, le ballon augmente de poids, et la descente normale a lieu, réglée à volonté par l’opérateur.

Les hauteurs où se passent les phénomènes que l’on vient de décrire sont comprises entre 1,000 et 4,500 mètres. On sait que cette dernière altitude est celle du Mont-Blanc. A moins de vouloir faire des expériences purement scientifiques, il ne convient pas à des aéronautes de s’élever au-delà. C’est à des hauteurs supérieures à 5,000 mètres qu’apparaissent ces phénomènes physiologiques si curieux produits par la raréfaction de l’air dont Gay-Lussac chez nous et Glaisher chez les Anglais ont été les plus célèbres expérimentateurs. Une grande diminution du pouls, la perte du sang par le nez et les oreilles, un malaise très prononcé du cœur, des poumons, de l’estomac, enfin l’évanouissement, la syncope, voilà ce qui attend le voyageur aérien, non pas toujours à la hauteur de 6,000 mètres, où parvint Gay-Lussac, mais certainement à celle de 11,000 mètres, à laquelle Glaisher arriva un jour. Dans ces deux cas, les ballons étaient gonflés à l’hydrogène, car le gaz d’éclairage, à cause du trop grand poids de ce corps, ne permet pas de s’élever si haut. Cette altitude de 11,000 mètres est la plus considérable que l’homme ait jamais atteinte (les pics les plus élevés de l’Himalaya ne dépassent guère 8,000 mètres), et il est probable que l’illustre aéronaute anglais n’aura pas de longtemps d’imitateurs.

Telles sont les diverses péripéties d’un voyage aérien, tels sont les frêles esquifs auxquels en ce moment les Parisiens confient leurs lettres et le gouvernement ses dépêches. Les fidèles pigeons rapportent les réponses. On sait par quel miracle de réduction photographique ces réponses peuvent nous parvenir en si grand nombre à la fois sur un carré de papier presque microscopique, large à peine comme le pouce et fixé à la queue du pigeon dans un tuyau de plume. Bénie soit la science qui nous permet de correspondre ainsi, et de remplacer la poste et le télégraphe par ce qu’on aurait cru la plus fragile des inventions humaines, l’aérostat !