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défense intérieure. Le temps du général Trochu a été absorbé, nous le savons, par un nombre infini de soins ; cependant la perte de plusieurs semaines, quelles qu’en soient les causes, n’en fut pas moins ici un fait malheureux. À cette faute s’ajoutèrent des maladresses qui ne peuvent être passées sous silence, car elles touchent au cœur même de notre sujet.

Ce fut le 14 octobre seulement que le gouvernement s’occupa pour la première fois de diviser la garde nationale en deux catégories, dont l’une devait être mobilisée et l’autre rester sédentaire. Dans une lettre adressée le 15 octobre au maire de Paris, le général Trochu expliqua comment il comptait former des bataillons mobilisés, pour le recrutement desquels il s’adressait uniquement au patriotisme des volontaires. « Les bataillons de guerre de la garde nationale, appelés à concourir à des opérations extérieures avec l’armée régulière et la garde mobile, seront soumis comme elles, écrivait-il, aux lois et règlemens militaires. Ils recevront les prestations en nature (vivres de campagne) et la solde des troupes, en échange de la solde que reçoit aujourd’hui la garde nationale sédentaire, à dater du jour où ils auront été mobilisés. Ce document ne fut ni goûté ni même bien compris, et l’on attendit le décret annoncé, qui parut le surlendemain, et qui n’excita qu’un étonnement universel. Vainement en effet y eût-on cherché ce que le gouvernement exigeait au juste des volontaires, et quelles garanties il leur offrait en retour de l’engagement demandé. Ce qui était le moins douteux, c’est que les hommes ainsi enrôlés seraient soumis aux mêmes obligations que la garde mobile et l’armée régulière, sans participer aux avantages dont jouissent les soldats enrôlés dans l’armée ou dans la mobile. On ignorait et pour combien de temps l’on serait pris et jusqu’où l’on pourrait être envoyé. Resterait-on autour de Paris ? irait-on en Allemagne, si la fortune y ramenait nos armes ? Le décret ne le disait pas. Quant à la solde et aux prestations, l’article 10 répétait simplement ce qu’avait dit la lettre de l’avant-veille, à savoir qu’on serait assimilé en ce point à la garde mobile à partir du jour où le bataillon quitterait l’enceinte. Les gardes nationaux nécessiteux auxquels l’indemnité journalière de 1 fr. 50 cent, était allouée, pensèrent donc avec raison qu’on leur supprimerait ce secours. Enfin l’article 7 laissait à la charge des volontaires les frais obligatoires d’habillement et d’équipement, la ville de Paris devant seulement venir en aide à ceux qui seraient hors d’état de faire face à ces dépenses. A bien peser les termes du décret, il valait infiniment mieux s’engager dans un régiment de ligne.

Puisqu’il avait si longtemps attendu, le gouvernement aurait dû au moins étudier plus attentivement un projet d’une telle importance. Il ne fallut pas moins, pour le faire accepter, que cinq ou six rectifications en forme de commentaires et l’intervention successive de M. Jules